MIRACLE SUR LE TREMPLIN
Le Canada a remporté la première médaille de son histoire dans cette discipline
Il lui aura fallu 98 ans, mais le Canada a remporté hier la première médaille de son histoire en saut à ski. Une troisième place sur fond de controverse et disqualifications, mais tout de même savourée par les quatre artisans de ce miracle olympique, qui plaident maintenant pour une meilleure reconnaissance de leur sport au pays.
Alexandria Loutitt, Matthew Soukup, Abigail Strate et Mackenzie Boyd-Clowes, tous de Calgary, sont grimpés sur le podium du saut à ski mixte, qui en était à ses débuts olympiques.
« Je pratique ce sport depuis longtemps, a dit Boyd-Clowes en point de presse. Je n’ai jamais pensé que c’était possible, donc ça veut tout dire. Je dois remercier mes coéquipiers. On a tous fait notre travail et on est resté ensemble. »
La disqualification de quelques grandes nations, dont l’Allemagne, privée de sa place en finale à cause d’une irrégularité dans l’équipement d’une de ses skieuses (voir autre texte ci-contre), a certes aidé la cause du quatuor de l’unifolié, qui n’osait même pas rêver à une médaille olympique.
Mais encore fallait-il que le Canada saisisse sa chance. Et c’est ce qu’il a fait en amassant 844,6 points, dans ce sport jugé tant pour la longueur du saut que pour le style du skieur.
Boyd-Clowes avait besoin d’une note de 120 points à sa dernière descente pour assurer à son équipe la troisième marche du podium. Le skieur de 30 ans a fait beaucoup mieux. Après avoir dévalé la piste à 88 km/h, il a réussi un saut de 101,5 mètres, pour obtenir 128,1 points, son sommet de la journée.
Avant Pékin, la meilleure performance olympique canadienne dans cette discipline remontait aux Jeux de 1988, quand Horst Bulau avait pris le septième rang au gros tremplin.
EXILÉS EN SLOVÉNIE
Disputé sur tremplin normal (70 mètres) – comme à l’épreuve mixte – et sur gros tremplin (90 mètres), le saut à ski est inscrit au programme des Jeux d’hiver depuis les premiers, en 1924, à Chamonix, en France. Les femmes ont fait leur entrée à Sotchi, en 2014.
Le saut à ski n’a jamais été la discipline de prédilection des Canadiens, mais ce sport, dans lequel les compétiteurs font parfois des sauts allant jusqu’à 250 mètres, est particulièrement en difficulté depuis quelques années.
Le tremplin utilisé à Calgary en 1988 est laissé à l’abandon, forçant la délégation canadienne à s’entraîner en Slovénie, médaillée d’or hier avec 1001,5 points.
« PEUT-ÊTRE UN PEU D’ARGENT ? »
Le saut à ski bénéficie aussi de très peu de financement au Canada. Les athlètes doivent amasser eux-mêmes l’argent afin de couvrir les dépenses liées à une saison en Coupe du monde, des montants qui peuvent avoisiner les 50 000 $, voire 60 000 $.
« C’est spécial pour nous tous parce que c’est la première médaille en saut à ski du Canada, a pointé Loutitt, 18 ans. C’est un sport un peu oublié, qui se meurt, et nous espérons tous vraiment que notre
performance changera cela. »
Son coéquipier Boyd-Clowes s’est montré plus virulent sur Twitter, peu après son saut en bronze.
« Construisez de petits sauts à ski et mettez en place un programme au Canada afin que cela puisse continuer. Peut-être aussi un peu d’argent pour notre sport ? Est-ce trop demander ? » a-t-il lancé.
Les représentants du Comité olympique russe ont pris la deuxième place (890,3 points), hier, tandis que le Japon a fini quatrième (836,3 points).
Avec cette médaille en saut à ski, le Canada a maintenant obtenu, au cours
de son histoire olympique, un podium dans chacune des 14 disciplines pratiquées aux Jeux d’hiver. Un record que le pays partage avec les États-Unis.