Le Journal de Montreal

Des résistante­s défient les talibans au pouvoir

Des femmes afghanes entre soulagemen­t et désespoir

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CHARIKAR | (AFP) Le retour au pouvoir des talibans en Afghanista­n en août a mis un terme à vingt ans de guerre d’usure dans le pays. Si la fin des combats est un soulagemen­t pour de nombreuses femmes, les restrictio­ns imposées par les fondamenta­listes islamistes causent aussi du désespoir. À travers l’histoire de trois Afghanes, l’AFP offre un aperçu de l’impact du nouveau règne taliban sur la vie des femmes.

LA MÈRE

Dans un village à flanc de colline non loin de Kaboul, des enfants courent entre les maisons basses. Friba, elle, profite d’une vie qu’elle juge paisible, maintenant que les troupes américaine­s sont parties.

« Avant, il y avait des avions dans le ciel et des bombardeme­nts », remarque cette mère de trois enfants, à Charikar, dans la province de Parwan.

Dans de nombreuses régions rurales, la victoire des talibans et le retrait américain représente­nt surtout la fin d’un conflit meurtrier aux dizaines de milliers de victimes, et celle d’une classe politique largement corrompue.

Friba, qui comme beaucoup d’Afghans n’a pas de nom de famille, a perdu plusieurs proches pendant la guerre. Et l’inquiétude pour ceux qui sillonnaie­nt le pays en quête d’un travail ne la quittait jamais.

« Nous sommes contents que les talibans aient pris le pouvoir et que la paix soit là, explique-t-elle. Maintenant, j’ai l’esprit plus tranquille à la maison. »

L’ÉTUDIANTE

Zakia, 24 ans, était en cours d’économie à l’université privée Kateb le 15 août, lorsque son professeur a annoncé que les talibans étaient aux portes de Kaboul.

« Mes mains se sont mises à trembler. J’ai sorti mon téléphone de mon sac pour appeler mon mari […] et je l’ai fait tomber plusieurs fois », raconte-t-elle.

Étudiante en troisième année, elle n’est plus retournée en classe depuis.

Malgré la réouvertur­e des université­s privées, puis celles de leurs homologues publiques dans une poignée de provinces il y a deux semaines, de nombreuses étudiantes ont renoncé aux cours.

Pour Zakia, payer les frais de scolarité s’avère désormais difficile en raison de la réduction draconienn­e du salaire de son mari fonctionna­ire.

Mais c’est surtout la peur panique de sa famille face aux combattant­s islamistes qui l’empêche de retourner en cours. Depuis août, elle s’aventure rarement dehors et préfère rester à la maison, avec sa fille en bas âge et sa belle-famille.

L’EX-ENTREPRENE­USE

Roya avait l’habitude de débouler chaque matin dans le centre de Kaboul, pour enseigner la broderie à des élèves. Le soir, elle confection­nait des robes et des chemisiers pour la future boutique qu’elle rêvait d’ouvrir avec ses filles.

Ses revenus lui permettaie­nt de payer les factures et les frais de scolarité de sa progénitur­e.

« La couture n’a pas de secret pour moi. Tout ce que les gens voulaient, je pouvais le faire », explique-t-elle dans sa maison de la capitale afghane.

« Je croyais fermement avoir besoin de travailler, être une femme forte, nourrir mes enfants et les élever grâce à ma couture », détaille-t-elle.

Mais son école a fermé lorsque les talibans sont entrés dans Kaboul. Elle n’a vu aucune élève depuis.

Roya passe désormais ses journées chez elle, avec ses enfants qui ont perdu leur travail ou cessé leurs études. Le foyer repose entièremen­t sur le revenu de son mari, un vigile à mi-temps payé quelques dollars par semaine.

« Je me sens impuissant­e », confie-telle. « J’ai tellement peur que nous n’allons même plus en ville ou au marché. »

placarder dans les commerces de Kaboul des affiches affirmant que les femmes « doivent » porter au minimum un hijab, un foulard couvrant la tête, mais laissant apparaître le visage. Les femmes doivent également être accompagné­es d’un homme de leur famille proche lors de longs trajets entre deux villes.

SPORT ET CULTURE

Les chaînes de télévision ne sont plus autorisées à diffuser de séries mettant en vedette des femmes. Et les journalist­es femmes doivent porter le hijab à l’écran. Un haut responsabl­e taliban a estimé qu’il n’était « pas nécessaire » pour les femmes de faire du sport. Mais les islamistes se sont gardés de formaliser cette opinion, car les fonds provenant des fédération­s gouvernant le sport mondial seraient gelés si les femmes n’étaient pas autorisées à en pratiquer.

 ?? ?? Friba, flanquée de sa fille Frishta et de son fils Ezatullah, dans sa résidence, dans la province de Parwan le 25 janvier dernier.
Zakia travaille à son ordinateur, assise sur un divan avec sa fille, dans sa résidence, dans la banlieue de Kaboul, le 24 janvier dernier.
Roya tient une de ses créations artisanale­s lors d’une interview avec l’AFP dans sa résidence à Kaboul, le 24 janvier dernier.
Friba, flanquée de sa fille Frishta et de son fils Ezatullah, dans sa résidence, dans la province de Parwan le 25 janvier dernier. Zakia travaille à son ordinateur, assise sur un divan avec sa fille, dans sa résidence, dans la banlieue de Kaboul, le 24 janvier dernier. Roya tient une de ses créations artisanale­s lors d’une interview avec l’AFP dans sa résidence à Kaboul, le 24 janvier dernier.

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