Afrique - Europe : une aventure ambiguë
Le philosophe Confucius a dit : « Si la foule déteste quelqu’un, examinez avant de juger »… Ainsi, contrairement à ce que certains pourraient penser, ce n’est pas d’hier que date le sentiment anti-européen, en général, et antifrançais, en particulier, sur le continent africain.
Penser que ce sentiment ne date que de quelques années revient à s’inscrire dans l’ignorance volontaire ou le déni des traumatismes nés de près de cinq cents ans d’esclavage des Africains, suivis de plus de cent ans de colonisation de ces derniers.
L’Afrique a amorcé sa libération il y a seulement soixante ans.
DES STIGMATES EN MÉMOIRE
L’esclavage et la colonisation sont deux des principaux chapitres de l’histoire qui habitent encore la mémoire collective africaine. Pour d’autres peuples, au Canada par exemple, il y a la déportation des Acadiens de 1755 à 1763, la pendaison des patriotes canadiens-français le 15 février 1839, les pensionnats autochtones de John A. McDonald, ou en Europe, la Shoa de 1941 à 1945.
Sans prendre en compte le nombre d’Africains décédés lors de la traversée du « passage du milieu » – certains historiens l’évaluent à plus de trente millions –, ainsi que le nombre de femmes, d’enfants et d’hommes arrachés de force à leur terre africaine.
Alors que des centaines de peuples l’occupaient déjà depuis des millénaires, par la ruse, la Bible, la poudre et le canon, plusieurs pays européens avaient pris le contrôle de la quasi-totalité de l’Afrique. Une colonisation du continent qui s’inscrit sur une période allant de 1850 à 1960.
Cette période est ancrée dans la mémoire africaine comme étant notamment celle de la falsification de son histoire, de la disparition de ses traditions, de l’agonie de ses langues, de la diabolisation de ses croyances, de la perte de son identité culturelle et des conséquences subséquentes : égarements psychologiques, intellectuels, politiques, sociaux, culturels, économiques, etc.
UNE RELATION TOXIQUE
Sur la ligne du temps de notre existence, ces événements ne sont pas si lointains. Ils interfèrent régulièrement dans les nouvelles relations que les Africains entretiennent avec les Européens.
La stigmatisation de la France aujourd’hui, notamment en Algérie, au Mali, au Burkina Faso, ou en Guinée en est une illustration. Parce que l’indispensable exercice de vérité historique et de réconciliation se fait encore attendre, alliances et mésalliances entre l’Afrique et l’Europe ont encore de beaux jours devant elles.
Si, aujourd’hui, les Français en particulier et les Européens en général ne prennent pas en considération les traumatismes hérités notamment de l’esclavage et de la colonisation dans leurs interactions avec les peuples africains ; si consciemment ou inconsciemment ils persistent dans un rapport « dominant-dominé », il ne faudra pas s’étonner de l’effet pavlovien qui en découlera et des crispations que cela générera.
Le colonialisme reposait dans une large mesure sur une relation de dominant/dominé. C’est aussi le cas du néolibéralisme débridé qui étouffe l’Afrique actuellement.
Cependant, quant à privilégier aujourd’hui de nouvelles relations Afrique-Chine ou Afrique-Russie, je me permets d’être dubitatif.
Un proverbe éthiopien dit : « Plutôt qu’un ange inconnu, mieux vaut un démon connu. »