Les apparences jouent contre lui
Il aura beau se défendre et tenter de faire valoir un « comportement éthique exemplaire » sur toutes les tribunes, les apparences risquent de jouer longtemps contre le chercheur, devenu entrepreneur, Karim Zaghib.
C’est du moins la conclusion à laquelle en vient Michel Séguin, professeur en éthique et gouvernance de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. « Je ne dis pas qu’il y a conflit d’intérêts, nuance-t-il. Je dis simplement que les apparences de tels conflits risquent de lui être défavorables. » Longtemps associé à Hydro-Québec, Karim Zaghib était jusqu’à très récemment conseiller stratégique d’Investissement Québec (IQ) sur les questions liées au développement de la filière de la batterie électrique.
Ce passage de 18 mois suivait une carrière prolifique de plus de 20 ans à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec et comme directeur du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec.
Le hic est qu’à peine libéré de ses fonctions stratégiques au sein de l’État québécois, ce dernier confirme s’être lancé en affaires, et ce, dans le même domaine (les batteries électriques) où il a excellé pendant toute sa carrière.
NON À L’AIDE DE L’ÉTAT
Le professeur Séguin explique que le fruit du travail de recherche d’un employé appartient normalement à l’employeur. Toutefois, précise-t-il, les compétences développées par un employé au cours de ses années de service au sein d’une organisation lui appartiennent. Rien, en conséquence, n’empêcherait un ex-employé de se lancer en affaires dans le même domaine d’activité.
Par contre, appartient à l’ex-employeur toute information ou tout plan stratégique dont M. Zaghib a pu être mis au courant pendant sa carrière, tant chez Hydro que chez IQ.
« Ces informations ne lui appartenant pas, il serait de son devoir ultime de ne jamais utiliser ces informations pour ses propres intérêts, ou encore ceux de l’entreprise qu’il vient de créer », explique le professeur. Est-ce qu’il a pu se servir de ces informations pour décider de lancer son entreprise à ce moment-ci ? La question se pose, pense l’éthicien. Dans ce cas-ci, les apparences de conflit sont telles qu’un doute risque de subsister. En attendant que ce doute se dissipe, le mieux, croit-il, serait que l’entreprise s’abstienne de toute aide de l’État.