Chaussées pour conquérir la Grosse Pomme
Un détaillant de chaussures québécois qui part à la conquête de New York ? Je dirais que c’est culotté, mais dans ce cas-ci, disons plutôt que les conquérantes vont se mesurer à quelques pointures !
« SI ON FONCTIONNAIT SELON LE MODE TRADITIONNEL DANS LE DOMAINE DE LA CHAUSSURE, ON VENDRAIT LE DOUBLE DU PRIX QU’ON OFFRE À NOS CLIENTS. » – Myriam Belzile-Maguire
Myriam et Romy Belzile-Maguire ont lancé Maguire il y a six ans à Montréal avec l’idée de créer une petite révolution dans le domaine de la chaussure. Elles ont éliminé les intermédiaires entre le design, les usines et le client pour offrir du luxe à prix accessible et transparent. Les coûts et les lieux de fabrication en Europe et en Turquie : tout est dévoilé. En boutique, les conseillères ne sont pas rémunérées à commission, afin d’assurer une expérience client sans pression. Et on peut tout aussi bien acheter en ligne, où que l’on soit.
« Si on fonctionnait selon le mode traditionnel dans le domaine de la chaussure, on vendrait le double du prix qu’on offre à nos clients », explique Myriam, designer qui a étudié la chaussure à Londres et qui a travaillé pendant six ans chez Aldo.
Après cette expérience, elle a plié bagage pour le Cordwainers Technical College, sur les traces du célèbre designer Jimmy Choo.
DÉMARRÉ AVEC À PEINE 15 000 $
Myriam et sa soeur ont démarré Maguire avec 15 000 $ en banque, de quoi payer pour fabriquer un modèle de chaussures en deux couleurs. C’était moins qu’une microcollection ! Mais la beauté, la qualité, le travail, la détermination et une solide stratégie de mise en marché ont fait avancer le projet.
La marque a fini par connaître du succès à Montréal, puis à Toronto, même si deux fois, les soeurs se sont retrouvées à court de liquidités – l’entrepreneuriat est un jeu risqué. La pandémie a freiné la consommation dans le secteur de la mode. Alors pour compenser, Maguire a ouvert les ventes en ligne au marché américain.
Aujourd’hui, 20 % du chiffre d’affaires
se fait hors Québec.
Le rêve, c’est de construire un succès à grande échelle et New York est perçue comme la porte d’entrée pour accroître la notoriété de la marque. La crise sanitaire a fait fondre le prix des loyers temporairement, si bien que Maguire, aidée par Investissement Québec, a trouvé les moyens d’ouvrir prochainement dans le quartier NoLita, sur Elizabeth Street, dans la zone où s’installent les designers émergents.
« On est dans un modèle patient, précise Romy, responsable du marketing et des opérations. La vente directe signifie qu’on s’occupe de tout, du
design à la vente au client. »
Le modèle est exigeant, il nécessite du temps pour élever les fondations de l’entreprise, mais maintenant que c’est fait, les deux jeunes femmes sont déterminées à suivre le chemin de la croissance.
INSPIRÉE PAR ALDO BENSADOUN
L’expérience de Myriam dans la chaussure permet d’éviter des erreurs de parcours. Elle a eu la chance de travailler proche d’Aldo Bensadoun et d’apprendre de lui. Sa plus grande leçon ? La qualité des relations qu’il entretient avec les manufacturiers de chaussures.
« C’est quelqu’un de très gentil et j’ai vu grâce à lui qu’on peut avancer avec la gentillesse », dit celle qui a mis deux semaines avant de se rendre compte que le monsieur venu lui demander de dessiner ses idées de chaussures lors de sa première journée de travail chez Aldo n’était nul autre que le fondateur !
Myriam n’a plus eu de contacts avec lui après son départ de la multinationale basée à Montréal, mais il y a fort à parier que son ancien patron serait fier de son succès dans un segment de marché différent.