Le français aussi pour les animaux
Des agriculteurs perdent leur vétérinaire parce qu’elle ne parle pas suffisamment bien la langue de Molière
Des agriculteurs de l’Outaouais ont lancé une pétition pour tenter de garder l’une des seules vétérinaires spécialistes des chevaux du secteur, qui ne peut plus pratiquer puisqu’elle ne parle pas suffisamment français.
« Ça n’a pas d’allure, c’est un non-sens. On est en manque flagrant de vétérinaires », lance Chantal Chrétien, l’instigatrice de la pétition.
Mme Chrétien tout comme d’autres éleveurs dans la région du Pontiac, en Outaouais, sont inquiets puisqu’ils n’ont plus de vétérinaire pour s’occuper de leurs animaux depuis quelques jours.
La seule vétérinaire équestre de la région a décidé de quitter la pratique, parce qu’elle n’a pu obtenir un permis permanent de médecine vétérinaire puisqu’elle ne satisfait pas aux exigences linguistiques du Québec.
La pétition, qui a été lancée lorsque Chantal Chrétien a appris la nouvelle du départ de Melissa Jowett, avait récolté jusqu’à plus de 5600 signatures hier.
« Dans le Pontiac, les gens savaient que son français n’était pas à la fine pointe. Mais les gens l’engageaient pareil, parce que c’était pour les animaux », précise Mme Chrétien.
La Dre Jowett a émigré du Royaume-Uni et travaillait comme vétérinaire depuis quatre ans dans cette région majoritairement anglophone.
Or, il s’agit du temps maximal au cours duquel elle peut pratiquer sans permis permanent, qui exige une connaissance minimale du français comme l’impose l’Office québécois de la langue française (OQLF).
« Aucune disposition ne permet à l’Office d’exempter un candidat de réussir l’examen de français », affirme l’OQLF par courriel.
INQUIÉTUDES
« J’étais très triste [lorsque j’ai appris la nouvelle]. Cela fait une différence de
ne pas avoir quelqu’un autour pour des urgences. Ne pas avoir quelqu’un à appeler est un souci », se désole Andrea Goffart, propriétaire de quatre chevaux.
Cheval Québec, qui regroupe les différents acteurs de l’industrie équestre, a reçu plusieurs appels d’éleveurs inquiets.
« Il y a certainement une façon de
trouver des solutions plutôt que de lui retirer son droit de pratique, comme la munir d’un technicien bilingue », propose Ève-Marie Frappier, directrice générale de l’organisme.
« Oui, il y a lieu de protéger la langue française. Mais présentement, nous faisons face à une situation particulière où le permis temporaire arrive à échéance dans un contexte de pénurie importante de vétérinaires. Pour nous, perdre un membre, c’est beaucoup », affirme Gaston Rioux, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ).
L’OMVQ étudie actuellement le dossier afin de voir si d’autres options peuvent être trouvées dans cette situation exceptionnelle.
« J’espère sincèrement que les règles pourront être modifiées afin d’encourager les vétérinaires à travailler dans un domaine largement sous-couvert », a affirmé la Dre Jowett dans une déclaration obtenue par Le Journal.
PÉNURIE DE MAIN-D’OEUVRE
La pénurie de vétérinaires est décriée depuis quelques mois déjà dans la province.
Elle aurait même causé la mort d’animaux en Outaouais, selon Cheval Québec.
« C’est une situation critique », précise Ève-Marie Frappier.
L’Outaouais compte actuellement 126 médecins vétérinaires, dont seulement neuf se spécialisent dans le domaine équin, selon les données de l’OMVQ.
Plus précisément, « dans le Pontiac, il y a un besoin de pratique dans les grands animaux. C’est un vaste territoire, moins densément peuplé que dans d’autres régions », affirme le Dr Rioux.