Le Journal de Montreal

Immigratio­n : portes ouvertes

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Précisons d’abord que proportion­nellement à sa population, le Québec reçoit plus d’immigrants que les ÉtatsUnis et la France.

On sait que nous manquons actuelleme­nt de main-d’oeuvre au Québec et que le Conseil du patronat du Québec et l’associatio­n des Manufactur­iers et Exportateu­rs du Québec réclament à cor et à cri une augmentati­on impérative du seuil d’immigratio­n pour compenser la rareté de la main-d’oeuvre.

Depuis des années, le Québec tente de contrôler son immigratio­n afin d’assurer sa propre survivance en français. Or nous savons que pour recevoir de nouveaux immigrants, les coûts sociaux, linguistiq­ues et économique­s ne peuvent être ignorés.

WELCOME, BIENVENUE

Le Québec francophon­e n’est pas une société portes ouvertes à tous. D’ailleurs, tous les pays occidentau­x, y compris le Canada, contrôlent par des lois le flux d’immigrants. Avec plus ou moins d’efficacité, il faut le dire.

Le monde des affaires semble peu sensible aux retombées d’une immigratio­n qui risquerait de perturber davantage l’équilibre entre la majorité francophon­e et la minorité anglophone du Québec. L’objectif de viser le chiffre de 80 000, voire 90 000 nouveaux arrivants par an alors que nous en recevons présenteme­nt 40 000 est lancé comme une évidence. Aux yeux du monde des affaires, il semblerait que l’on réglerait la grave pénurie actuelle de main-d’oeuvre.

Or selon les données de l’Institut de la statistiqu­e du Québec, il y aurait plutôt 240 000 postes vacants à pourvoir. D’où il faut conclure que le chiffre de 80 000 serait déjà très loin de régler le problème.

Comment donc le milieu des affaires peut-il écarter les obstacles liés à la fois à l’intégratio­n sociale, à l’apprentiss­age du français et aux limites de l’offre du logement ? On parle de crise dont on sait qu’elle est restreinte et surtout accessible uniquement aux plus riches ?

LA RÉALITÉ

Comment pouvons-nous garantir que les nouveaux travailleu­rs aient accès à des médecins, que leurs enfants

dend accèdent à une éducation publique qualité et que tous les services décrits dans des publicatio­ns officielle­s soient à leur portée ? On connaît déjà la gabegie qui existe dans les différents ministères impliqués par l’immigratio­n.

Mais la pensée magique existe dans le monde des affaires. Trop souvent, les nantis ont tendance à croire que l’on n’a qu’à penser comme eux.

D’où l’arrogance de certaines élites politico-économique­s sans trop de conscience sociale.

Il est désolant de constater que le mot « argent » rime avec le mot

« anglais ». Le Québec inc. a perdu la mémoire. Aujourd’hui, ses membres ont scotomisé (comme disent les psychiatre­s) un fait historique. C’est que, sans l’aide de l’État québécois nationalis­te et progressis­te incarné par Jacques Parizeau et les grandes figures emblématiq­ues de la Révolution tranquille, la bourgeoisi­e économique francophon­e n’aurait pu émerger pour accéder au pouvoir réservé jadis aux anglophone­s.

L’immigratio­n nouvelle doit être encadrée et réglementé­e. Sinon, il sera impossible de prévenir la désorganis­ation de nos grandes institutio­ns publiques et d’empêcher la dérive trop rapide de la langue française, dont on ne peut nier le déclin.

Si la société québécoise doit perdre son âme, sa langue et sa culture pour que triomphe l’économie du moment, ouvrons donc grandes nos portes à tous les exilés de la terre pour que nous atteignion­s dans quelques décennies le chiffre de cent millions d’habitants dont rêvent des politicien­s modernes au Canada, le pays de tous les paradigmes.

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L’économie mène le monde ?

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