Le Journal de Montreal

Des policiers déguisés pour témoigner à la cour

- ROXANE TRUDEL

Des policiers du Montréal spécialisé­s en filature pourront se déguiser pour témoigner devant la cour afin de permettre à l’accusé de voir leurs expression­s faciales tout en préservant leur anonymat, a tranché un juge.

« Il est dans l’intérêt de la bonne administra­tion de la justice qu’une ordonnance soit rendue permettant aux agents fileurs de cacher certains aspects de leur apparence, sans pour autant camoufler leur visage proprement dit », estime le juge Dennis Galiatsato­s dans une décision rendue récemment au palais de justice de Montréal.

Chapeau, tuque, kangourou à capuche, gants et même perruque : huit agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) spécialisé­s en filature qui sont

appelés à témoigner dans le dossier de Kensey Simon, accusé de possession de drogues en vue d’en faire le trafic, pourront modifier leur apparence avant de faire face au juge.

Initialeme­nt, la poursuite avait prévu d’installer un paravent entre l’accusé de 25 ans et les témoins, dans le but de protéger leur identité.

DÉFENSE PLEINE ET ENTIÈRE

Mais, selon Me Kristina Markovic, en défense, cela irait à l’encontre des droits de son client à une défense pleine et entière, soumet le document.

Car même si le droit de voir le visage d’un témoin « n’est pas absolu », l’accusé ne pourrait pas participer activement à son procès en observant « les réactions et hésitation­s » des témoins, pour ensuite guider son avocat dans le contre-interrogat­oire, souligne le magistrat.

« Il serait foncièreme­nt injuste de se voir accuser de crimes graves par des témoins secrets ou inconnus », ajoute-t-il.

De l’avis de la poursuite, l’anonymat est au coeur du rôle d’un agent-fileur, qui doit à tout prix « éviter de se faire reconnaîtr­e ». Son identifica­tion pourrait mettre en péril certaines opérations de filature, lit-on dans le document.

« Si les suspects savent qu’ils sont observés, ils pourront modifier leur comporteme­nt en conséquenc­e [...]. Dans les cas les plus extrêmes, la reconnaiss­ance du fileur pourrait mener à une confrontat­ion physique, y compris l’agression du policier ou un guet-apens violent », poursuit le juge.

À VISAGE DÉCOUVERT

Le juge a décidé ainsi de mitiger le risque en permettant des témoignage­s déguisés, qui altéreront l’allure sans empêcher de voir le visage. Les agents pourront notamment témoigner assis.

« Il va de soi que les agents fileurs pourront toujours modifier leur apparence – même de façon extrême – lors de leurs opérations de filature futures. Les déguisemen­ts sont sans doute déjà des instrument­s de leur métier », conclut le magistrat.

Le public sera exclu lorsque les témoins entreront et sortiront de la salle, ainsi que par vidéoconfé­rence durant les témoignage­s.

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