Le Journal de Montreal

Plus de 10 000 $ pour accoucher

Les femmes enceintes et migrantes ne sont toujours pas couvertes par la Régie de l’assurance maladie

- NORA T. LAMONTAGNE

Une jeune mère migrante qui a

dû payer plus de 10 000 $ pour accoucher au Québec voudrait voir abolis ces frais exorbitant­s, qu’elle devra rembourser jusqu’à ce que

son enfant entre en prématerne­lle.

« Ma fille n’était pas encore née que je voulais repartir de l’hôpital. Je comptais les jours et j’imaginais déjà la facture », se remémore avec émotion Célia (nom fictif), qui a quitté les Antilles pour le Québec en 2019.

Elle a donné naissance à sa deuxième fille l’été dernier, moyennant un peu plus de 10 000 $, alors qu’elle attendait toujours de recevoir sa résidence permanente.

Célia soutient qu’on lui a demandé de réunir 1900 $ en argent comptant pour

payer l’obstétrici­enne et l’anesthésis­te alors même qu’elle avait des contractio­ns sur son lit d’hôpital.

« Disons que ce n’est vraiment pas le moment où t’as envie de gérer de la facturatio­n », laisse tomber 10 mois plus tard la femme dans la vingtaine.

Les 2500 $ qu’elle avait épargnés avec son conjoint, demandeur d’asile, se sont révélés nettement insuffisan­ts pour la facture totale.

Le couple a dû contracter une entente de paiement avec l’hôpital. Au rythme actuel, leurs versements s’étaleront jusqu’à ce que leur adorable petite ait 4 ans.

PAS LA SEULE

Dans leur clinique montréalai­se, l’an dernier, Médecins du monde a suivi près de 250 femmes dans la situation de Célia, soit avec un statut migratoire précaire qui les empêche d’être couvertes par le régime public d’assurance maladie pendant leur grossesse.

« C’est une grande source d’anxiété et de détresse quand elles réalisent les sommes à payer pour avoir des soins », observe le Dr Michel Welt, obstétrici­en-gynécologu­e bénévole pour la clinique.

Plusieurs se privent de rendez-vous médicaux et d’analyses. Il devient alors impossible de détecter des malformati­ons congénital­es, de suivre adéquateme­nt leur diabète de grossesse ou de repérer des retards de croissance, énumère-t-il.

« Ça peut même aller jusqu’à la mort in utero du bébé, qui aurait probableme­nt pu être évitée grâce aux soins habituels », se désole le Dr Welt.

Médecins du monde milite pour que ces femmes soient couvertes pendant leur grossesse par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), comme le sont depuis peu les soins de santé des enfants nés de parents migrants.

La RAMQ et un comité interminis­tériel devraient émettre des recommanda­tions d’ici la fin juin à ce sujet.

Mais plus encore, l’organisme aimerait que tous les services essentiels de santé sexuelle et reproducti­ve soient inclus dans cette couverture (voir encadré).

« La femme n’est pas qu’un utérus. Il faut s’occuper de sa santé en général, pas seulement quand elle porte un bébé et qu’elle décide de le garder », martèle le Dr Welt.

 ?? PHOTO CHANTAL POIRIER ?? Célia (nom fictif) a été angoissée pendant des mois à cause des coûts liés à sa grossesse, de l’échographi­e à l’accoucheme­nt. Elle a été suivie par Médecins du monde, mais a dû débourser pour donner naissance dans un hôpital montréalai­s.
PHOTO CHANTAL POIRIER Célia (nom fictif) a été angoissée pendant des mois à cause des coûts liés à sa grossesse, de l’échographi­e à l’accoucheme­nt. Elle a été suivie par Médecins du monde, mais a dû débourser pour donner naissance dans un hôpital montréalai­s.

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