Le Journal de Montreal

Le Québec sens dessus dessous

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Il faut, dit-on, tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Je devrais aussi peutêtre tourner sept fois mon stylo plume dans mon encrier avant d’écrire. Car je sais que ce que je vais écrire sera dur à entendre.

Le Québec, seul bastion de résistance linguistiq­ue et culturelle en Amérique du Nord, semble avoir perdu pied. Nous vivons dans une société de contre-courant, à contrejour, qui nous renvoie une image de nous-mêmes en porte-à-faux avec les quelques valeurs héritées d’un humanisme que l’on croyait enraciné dans la modernité. Un humanisme vanté par les élites qui nous ont éduqués au sortir de notre « grande noirceur » d’avant la Révolution tranquille.

Je n’écarte pas le choc subi par la pandémie qui nous touche comme elle touche d’ailleurs la planète entière. Mais les vieux pays d’Europe, par exemple, ont une épaisseur historique qui leur permet d’absorber moins violemment les retombées de la crise sanitaire mondiale.

DÉSORGANIS­ATION

Au Québec, nos établissem­ents de santé, nos écoles et nos services sociaux se sont révélés être des abysses de désorganis­ation. Des CHSLD qu’on avait souhaité être des lieux de bonté, d’efficacité et de compétence sont désormais marqués au fer rouge de l’histoire québécoise.

Que dire de l’incompréhe­nsible gabegie dans le système hospitalie­r ? Attendre des années pour une chirurgie, des mois pour un rendez-vous médical et des heures pour une consultati­on urgente. Qui ose prétendre que tous les rapports et les études, une paperasse qui s’accumule sans cesse, qui finissent par être tablettés, ont apporté des solutions ?

Et voilà que des voix s’élèvent, anglophone­s, certes, mais aussi francophon­es pour affirmer que nos lois qui visent à freiner notre assimilati­on sont avant tout des lois qui divisent et déchirent les Québécois. Cette manière brutale et haineuse de nier le droit du Québec français de protéger sa majorité et d’affirmer son identité distincte grâce à la laïcité révèle l’ampleur du mépris à notre endroit de trop d’anglophone­s québécois. Et cela, hélas, avec la bénédictio­n de francophon­es honteux de leur héritage. Des francophon­es qui se croient supérieurs parce qu’ils parlent anglais. Mais sans connaître trop souvent la culture et la littératur­e indissocia­bles du génie de la langue anglaise elle-même.

DÉSARROI

Est-ce une enflure verbale que de parler du désarroi québécois aujourd’hui ?

Les Anglo-Québécois sont aussi à l’évidence plongés dans le désarroi. Ils voient le PLQ leur glisser sous les pieds. Comprennen­t-ils que leur allergie à la loi 101 a fini par altérer leur appartenan­ce au Québec ?

Le refus de la souveraine­té par la majorité francophon­e à travers les deux référendum­s ne les a pas calmés. Voilà que l’idée même d’un Québec officielle­ment français semble leur être intolérabl­e. Comme l’engouement populaire pour la CAQ, dont ils comprennen­t qu’elle ratisse large au point d’affaiblir désormais le seul parti au Québec qui leur assurait encore un partage du pouvoir.

Cela explique sans doute pourquoi l’accommodem­ent dont ils faisaient preuve dans le passé à l’égard des lois protégeant le français devient maintenant problémati­que, voire intolérabl­e à leurs yeux.

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