Le Journal de Montreal

On laisse des jeunes mourir

Traumavert­issement : ce texte parle de suicide

- GENEVIÈVE PETTERSEN

Quand j’entends le gouverneme­nt et le ministre Lionel Carmant se vanter des investisse­ments faits en santé mentale et dire dans tous les médias, à mon micro y compris, qu’aucun jeune ne sera laissé de côté, ça me fait mal. Ça me fait mal, parce que c’est pas vrai.

DES FAMILLES DÉSESPÉRÉE­S

Des parents m’écrivent pour me dire qu’ils n’en peuvent plus de se battre contre le système, qu’ils sont à bout de souffle. Ils n’ont plus de force pour supplier les départemen­ts de pédopsychi­atrie, le personnel de l’urgence ou le monde du CLSC d’aider leur enfant.

Parlons de Béatrice (nom fictif). Béatrice, 14 ans, a tenté de mettre fin à ses jours il y a 6 mois. Lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital, avec ses parents, en ambulance, ceux-ci étaient persuadés qu’on aiderait leur fille tout de suite. Pas dans 5 mois. TOUT DE SUITE.

Le personnel de l’urgence, ils le soulignent, a été impeccable. Le psychiatre que la petite a vu pour l’évaluation et le travailleu­r social qui lui a été attitré des mois plus tard, aussi. L’idée, ici, n’est pas de critiquer les gens qui travaillen­t dans le système. C’est pas eux le problème. C’est la structure dans laquelle ils sont pognés.

ELLE NE VOULAIT PAS « ASSEZ » MOURIR

Mais pourquoi Béatrice n’a pas eu accès à un psychiatre et à un psychologu­e sur-le-champ ? Ben parce qu’« elle ne voulait pas assez mourir ». Il y avait des cas plus urgents qu’elle. Notons au passage que cette histoire s’est déroulée dans l’est de Montréal et qu’il n’y a que deux pédopsychi­atres qui desservent le secteur.

En attendant, qu’ont fait ses parents ? Eh bien ils ont cherché un psy. Ils ne se sont pas contentés du petit numéro d’urgence qu’on leur a laissé « au cas où ». Au cas où quoi ? Au cas où Béatrice entrerait en crise et voudrait en finir pour vrai, cette fois.

Mais même trouver un psy au privé a été difficile. Il y a, là aussi, d’interminab­les listes d’attente. Les parents de Béatrice sont chanceux. Qu’est-ce qui arrive aux gens qui n’ont pas les moyens de se battre ou de payer ? Ils souffrent. Ils souffrent parfois jusqu’à en mourir.

Il va falloir pas mal plus que des formules creuses et des millions de dollars pour nous éblouir. Qu’attendez-vous ? Combien de jeunes vont devoir mourir pendant que vous faites des commission­s d’enquête et des réformes ?

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