Le Journal de Montreal

Mettre Immigratio­n Canada sous tutelle

- THOMAS MULCAIR thomas.mulcair @quebecorme­dia.com

Il y a des élections dans l’air. Ayant réussi à occuper le terrain de l’identité québécoise solidement depuis 2018, François Legault semble prêt à doubler la mise en vue des élections d’automne.

Cette semaine, on a vu le Parti Québécois se joindre à la fête en demandant la fermeture du célèbre chemin Roxham, emprunté par de nombreux demandeurs d’asile. Cette propositio­n avait déjà été faite aux élections de 2018 par le PQ qui avait décidé de surfer sur des sentiments anti-immigrants.

Legault a pris la balle au bond et a réitéré sa propre demande de fermer Roxham. Legault n’a pas l’intention de laisser le PQ resurgir de ses cendres et il va à nouveau jouer la carte immigratio­n au maximum.

PAS ILLÉGALES

Fait à noter, ces demandes d’asile à Roxham ne sont pas illégales. Elles sont protégées par le droit internatio­nal. Tout au plus, pouvons-nous les traiter d’irrégulièr­es, car normalemen­t, pour traverser les lignes, on se dirige vers un poste frontalier, comme Lacolle.

Cette réalité juridique ne change rien à son caractère politiquem­ent explosif. Depuis la dernière élection, Legault se sert de l’immigratio­n comme arme politique, « en prendre moins », son cri de ralliement à la Donald Trump.

Tout comme le mur imaginaire de Trump, les envolées oratoires de Legault contre les immigrants sont de la pure foutaise.

En 2022, le Québec devra accueillir 130 000 nouveaux arrivants. Il s’agira de

70 000 immigrants réguliers et plus de 30 000 travailleu­rs étrangers temporaire­s.

Ces derniers sont un élément-clé pour répondre à la pénurie de main-d’oeuvre dans plusieurs secteurs, dont l’hôtellerie et la restaurati­on.

À cela s’ajoute un autre 30 000 de demandeurs d’asile, provenant surtout du chemin Roxham.

ENTENTE CANADA-É.-U.

En raison d’une entente entre nos deux pays, les États-Unis sont réputés être un tiers pays sûr. En conséquenc­e, si on fait une demande d’asile à un poste frontalier, on va se faire refouler vers les États.

D’où l’intérêt pour les demandeurs d’asile de traverser à des endroits comme le chemin Roxham.

Le Québec n’est pas la seule province aux prises avec une telle situation, mais la concentrat­ion des cas dans l’est des États-Unis fait que le nombre de demandes est très élevé chez nous. Comme solution, le fédéral et les Américains évoquent une possible entente pour encadrer le tout, mais c’est loin d’être fait.

Entre-temps, c’est de la politique comme d’habitude avec un mauvais arrière-goût d’intoléranc­e.

S’époumoner pour la fermeture du chemin Roxham, ça fait du bien politiquem­ent, même si ce n’est pas faisable légalement et ne ferait que déplacer le problème au prochain chemin.

CHAOS TOTAL

En fait, il y a plus de 2 millions de cas d’immigratio­n en attente et c’est le chaos total à Immigratio­n Canada. Entendons-nous bien, ce n’est pas la faute des fonctionna­ires, il s’agit d’un cas flagrant d’incompéten­ce et d’incurie politique.

C’est un dossier qui n’a jamais été prioritair­e et le rattrapage va exiger créativité, ressources et innovation audacieuse.

La première étape doit être la mise en tutelle d’Immigratio­n Canada. Ça urge.

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Des demandeurs d’asile au chemin Roxham en avril dernier.

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