Solide comme le Roch
Après avoir frôlé la mort et perdu la vue, le bénévole Roch Derome retrouve sa famille au Centre Vidéotron
Même s’il a perdu la vue au terme d’une longue hospitalisation où il a presque laissé sa vie, Roch Derome pose le même regard qu’avant sa terrible malchance sur le tournoi international de hockey pee-wee de Québec. « C’est ma joie », clame
l’inébranlable bénévole, qui renoue avec sa deuxième famille après une pause forcée de plus de deux ans.
Au Centre Vidéotron, derrière des centaines de jeunes qui se dévouent sur la glace pour pratiquer leur sport fétiche, des bénévoles besognent comme chaque année comme des petites fourmis pour faire en sorte que tout roule sans anicroche.
Parmi cette sympathique armée de l’ombre, Roch Derome, qui veille aux accréditations depuis 2001, échange cette semaine des plaisanteries avec ses complices et rayonne.
Pourtant, par un sombre vendredi 13 décembre en 2019, les sentiments réconfortants qu’il savoure en ce moment semblaient bien loin.
C’était une semaine avant sa retraite méritée comme technicien en équipements. Il allait enfin pouvoir s’adonner à la moto autant qu’il le souhaitait avec sa conjointe Lise. Profiter de ses deux enfants et trois petits-enfants. Prendre le temps de prendre le temps. Et bien sûr, s’impliquer encore plus dans son autre passion, le tournoi pee-wee. Le destin a frappé à quelques pas de la ligne d’arrivée.
ENTRE LA VIE ET LA MORT
Dans la nuit, victime d’une grave infection, M. Derome a été transporté d’urgence à l’hôpital Saint-François d’Assise.
« La dernière chose que je me rappelle, c’est que l’ambulancier qui était à l’arrière du véhicule avec moi a dit au conducteur : dépêche-toi, on va le perdre », raconte-t-il.
Vite déplacé au bloc opératoire, il a repris connaissance pour dire à ses proches « À tout à l’heure ».
Quand les médecins ont constaté que ses organes internes ne fonctionnaient plus, sa famille a été avisée à quelques reprises qu’il ne passerait peut-être pas la nuit. Ce n’est qu’au bout de cinq semaines qu’il s’est réveillé, après un transfert à l’hôpital de l’Enfant-Jésus.
Malgré les apparences, son temps n’était pas venu.
« Quand j’ai repris conscience, j’ai dit que je ne voyais plus rien. L’ophtalmologiste est venu et il a vu que mes nerfs optiques avaient manqué d’oxygène et avaient été endommagés », explique M. Derome.
Résultat : il ne voit plus du tout de l’oeil gauche et a conservé 5 % de sa vision dans l’oeil droit.
« Seulement droit devant moi, comme si je regardais dans une paille », précise-t-il.
NE JAMAIS S’APITOYER
Malgré tout, il suffit de passer quelques minutes avec lui pour réaliser qu’il n’allait jamais s’apitoyer.
« Je me dis que j’ai eu la vue pendant 65 ans, c’est déjà beau. Il faut vivre avec. Je ne voulais pas me mettre en boule dans un coin à brailler. Ma conjointe m’a dit qu’on passerait à travers ensemble », dit le battant.
Des nerfs dans les pieds ont aussi été affectés et six semaines de rééducation pour réapprendre à marcher ont été nécessaires.
Pendant toute cette pénible période, c’est aussi à sa deuxième famille, celle du tournoi pee-wee, que Roch Derome s’est accroché.
« L’affaire qui me faisait de la peine, c’était le tournoi. C’est l’événement que j’aimais le plus au monde. Ce tournoi, c’est ma joie, c’est une famille », constate-t-il.
D’ailleurs, pour prouver qu’il s’agit bien plus que d’un simple cliché, le premier visiteur qui s’est rendu au chevet de M. Derome après sa famille immédiate, c’est le directeur général du tournoi, Patrick Dom.
« Je n’étais pas conscient, mais quand on m’a raconté ça, j’étais touché. Ça veut tout dire. Je me suis toujours senti valorisé au tournoi. Je voulais absolument revenir cette année », a-t-il ajouté, étranglé par l’émotion.
En reprenant son souffle, Roch Derome parvient à expliquer ce qui vient le chercher à ce point dans ce tournoi incomparable.
« Ça amène de la bonne humeur aux jeunes. Pour plusieurs, c’est l’un des beaux moments dans leur vie de jouer dans un si gros aréna. Contribuer à ça, c’est juste merveilleux. »
Oui, en dehors de la glace, c’est aussi tout ça, le tournoi pee-wee de Québec.