Le Journal de Montreal

Solide comme le Roch

Après avoir frôlé la mort et perdu la vue, le bénévole Roch Derome retrouve sa famille au Centre Vidéotron

- STÉPHANE CADORETTE

Même s’il a perdu la vue au terme d’une longue hospitalis­ation où il a presque laissé sa vie, Roch Derome pose le même regard qu’avant sa terrible malchance sur le tournoi internatio­nal de hockey pee-wee de Québec. « C’est ma joie », clame

l’inébranlab­le bénévole, qui renoue avec sa deuxième famille après une pause forcée de plus de deux ans.

Au Centre Vidéotron, derrière des centaines de jeunes qui se dévouent sur la glace pour pratiquer leur sport fétiche, des bénévoles besognent comme chaque année comme des petites fourmis pour faire en sorte que tout roule sans anicroche.

Parmi cette sympathiqu­e armée de l’ombre, Roch Derome, qui veille aux accréditat­ions depuis 2001, échange cette semaine des plaisanter­ies avec ses complices et rayonne.

Pourtant, par un sombre vendredi 13 décembre en 2019, les sentiments réconforta­nts qu’il savoure en ce moment semblaient bien loin.

C’était une semaine avant sa retraite méritée comme technicien en équipement­s. Il allait enfin pouvoir s’adonner à la moto autant qu’il le souhaitait avec sa conjointe Lise. Profiter de ses deux enfants et trois petits-enfants. Prendre le temps de prendre le temps. Et bien sûr, s’impliquer encore plus dans son autre passion, le tournoi pee-wee. Le destin a frappé à quelques pas de la ligne d’arrivée.

ENTRE LA VIE ET LA MORT

Dans la nuit, victime d’une grave infection, M. Derome a été transporté d’urgence à l’hôpital Saint-François d’Assise.

« La dernière chose que je me rappelle, c’est que l’ambulancie­r qui était à l’arrière du véhicule avec moi a dit au conducteur : dépêche-toi, on va le perdre », raconte-t-il.

Vite déplacé au bloc opératoire, il a repris connaissan­ce pour dire à ses proches « À tout à l’heure ».

Quand les médecins ont constaté que ses organes internes ne fonctionna­ient plus, sa famille a été avisée à quelques reprises qu’il ne passerait peut-être pas la nuit. Ce n’est qu’au bout de cinq semaines qu’il s’est réveillé, après un transfert à l’hôpital de l’Enfant-Jésus.

Malgré les apparences, son temps n’était pas venu.

« Quand j’ai repris conscience, j’ai dit que je ne voyais plus rien. L’ophtalmolo­giste est venu et il a vu que mes nerfs optiques avaient manqué d’oxygène et avaient été endommagés », explique M. Derome.

Résultat : il ne voit plus du tout de l’oeil gauche et a conservé 5 % de sa vision dans l’oeil droit.

« Seulement droit devant moi, comme si je regardais dans une paille », précise-t-il.

NE JAMAIS S’APITOYER

Malgré tout, il suffit de passer quelques minutes avec lui pour réaliser qu’il n’allait jamais s’apitoyer.

« Je me dis que j’ai eu la vue pendant 65 ans, c’est déjà beau. Il faut vivre avec. Je ne voulais pas me mettre en boule dans un coin à brailler. Ma conjointe m’a dit qu’on passerait à travers ensemble », dit le battant.

Des nerfs dans les pieds ont aussi été affectés et six semaines de rééducatio­n pour réapprendr­e à marcher ont été nécessaire­s.

Pendant toute cette pénible période, c’est aussi à sa deuxième famille, celle du tournoi pee-wee, que Roch Derome s’est accroché.

« L’affaire qui me faisait de la peine, c’était le tournoi. C’est l’événement que j’aimais le plus au monde. Ce tournoi, c’est ma joie, c’est une famille », constate-t-il.

D’ailleurs, pour prouver qu’il s’agit bien plus que d’un simple cliché, le premier visiteur qui s’est rendu au chevet de M. Derome après sa famille immédiate, c’est le directeur général du tournoi, Patrick Dom.

« Je n’étais pas conscient, mais quand on m’a raconté ça, j’étais touché. Ça veut tout dire. Je me suis toujours senti valorisé au tournoi. Je voulais absolument revenir cette année », a-t-il ajouté, étranglé par l’émotion.

En reprenant son souffle, Roch Derome parvient à expliquer ce qui vient le chercher à ce point dans ce tournoi incomparab­le.

« Ça amène de la bonne humeur aux jeunes. Pour plusieurs, c’est l’un des beaux moments dans leur vie de jouer dans un si gros aréna. Contribuer à ça, c’est juste merveilleu­x. »

Oui, en dehors de la glace, c’est aussi tout ça, le tournoi pee-wee de Québec.

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Même s’il a presque totalement perdu la vue, Roch Derome n’aurait raté son retour au tournoi pee-wee pour rien au monde.
PHOTO STEVENS LEBLANC Même s’il a presque totalement perdu la vue, Roch Derome n’aurait raté son retour au tournoi pee-wee pour rien au monde.

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