Le Journal de Montreal

Les délais explosent aux petites créances

L’attente pour une audience a triplé depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ

- KATHRYNE LAMONTAGNE ET PASCAL DUGAS BOURDON Bureau d’enquête

Les délais pour obtenir une audience devant la division des petites créances ont presque triplé depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir et dépassent même

les 1000 jours à certains endroits.

Il faut attendre en moyenne 593 jours au Québec avant d’être entendu aux petites créances, contre 223 jours en 2018, année où le gouverneme­nt de François Legault est entré en fonction.

Huit palais de justice connaissen­t des délais plus importants, dont Longueuil et Sorel-Tracy, où les justiciabl­es patientent respective­ment 1151 et 913 jours avant de pouvoir se présenter au tribunal.

Pourtant, le nombre de causes a diminué de façon marquée en quatre ans, passant de près de 20 000 à moins de 15 000, selon les données du ministère de la Justice (voir encadrés).

LONGUE ATTENTE

Notre Bureau d’enquête s’est rendu au cours des dernières semaines dans divers palais de justice afin de constater les effets de cette explosion des délais. Pour les citoyens, l’attente peut être longue et stressante (voir autres textes).

C’est notamment le cas de JeanFranço­is Cummins, qui était poursuivi pour 5000 $ depuis plus de 2000 jours. À sa grande surprise, le dossier a été rejeté en moins de trois minutes, lundi dernier, au palais de justice de Montréal.

« Je suis content, c’est fini ! Je vais pouvoir passer à autre chose », a commenté M. Cummins, visiblemen­t soulagé.

Le même jour, à Sorel-Tracy, Mathieu Turner a enfin pu raconter son histoire devant le tribunal, après quelque 1200 jours d’attente.

« Faut s’armer de patience. Il ne faut pas attendre après ça pour vivre », a témoigné le père de famille.

MANQUE DE JUGES

Plusieurs circonstan­ces expliquent la situation actuelle, selon la juge en chef adjointe à la chambre civile de la Cour du Québec (voir ci-contre). Le manque de juges pour entendre et trancher ces dossiers demeure toutefois au coeur de ses préoccupat­ions.

« Moi là, je ne peux pas inventer des juges si je n’en ai pas. Et je n’en ai pas », résume Martine L. Tremblay, qui a demandé en octobre 2020 l’ajout de trois nouveaux collègues en Montérégie, là où les délais sont préoccupan­ts aux petites créances.

« Mais il n’y a rien. Donc Longueuil est en souffrance, je ne le nie pas », déplore-t-elle.

PÉNURIE DE MAIN-D’OEUVRE

Le manque d’attractivi­té et de rétention du personnel dans les palais de justice a aussi sa part de responsabi­lité dans ces délais.

« Les anciens se tannent, vont ailleurs. Et si on perd notre expertise, il y a des erreurs par la suite et il y a des conséquenc­es [sur les délais] », expose une adjointe à la magistratu­re, qui n’est pas autorisée à s’adresser aux médias.

MISER SUR LA MÉDIATION

Au gouverneme­nt, on estime que ces délais sont tributaire­s de nombreux facteurs, lesquels « ne relèvent pas toujours du ministère de la Justice ».

Pour tenter d’améliorer la situation, on semble miser principale­ment sur l’optimisati­on de la médiation, puisqu’il n’y a pas d’autre somme ou programme destiné spécifique­ment aux petites créances.

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PHOTO KATHRYNE LAMONTAGNE Jean-François Cummins était poursuivi depuis 2016 aux petites créances. Le dossier a finalement été rejeté lundi dernier, au palais de justice de Montréal.
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MARTINE L. TREMBLAY Juge

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