Le Journal de Montreal

Allons-nous voter pour les aînés ?

- EMMANUELLE LATRAVERSE emmanuelle.latraverse@tva.ca

Plus jamais.

Combien de fois entendrons-nous cette phrase au sujet de l’hécatombe de la première vague dans les CHSLD d’ici les prochaines élections ?

On s’en doutait, c’est maintenant confirmé par le rapport de la coroner Géhane Kamel. C’est la négligence institutio­nnalisée depuis des décennies qui a tué 3675 aînés en CHSLD dans des conditions franchemen­t révoltante­s.

La COVID-19 n’a fait qu’empirer une situation déjà gravement délétère.

Le vrai scandale, c’est notre trop longue indifféren­ce. Il est là le vrai coup de barre à donner.

MUSÉE DES HORREURS

L’indignité honteuse dans laquelle des aînés ont péri au CHSLD Herron a heurté notre humanité.

Mais les histoires d’Ephrem Grenier, Lucille Gauthier, Yvan Luc Brodeur et Maria Lermytte, pour ne nommer que ceux-là, sont tout aussi horrifiant­es. La piètre qualité des soins qu’ils ont subis remonte à bien avant la COVID-19.

Au CHSLD Yvon-Brunet, où Ephrem Grenier est décédé, l’odeur nauséabond­e et les traces d’urine faisaient partie du décor. Jamais sa fille n’a vu un employé se laver les mains, même après avoir mangé.

Au CHSLD des Moulins, Lucille Gauthier a perdu 11 livres entre janvier et mars 2020. Surchargée, la nutritionn­iste n’avait pas le temps de bien suivre les patients.

Au CHSLD René-Lévesque, Yvan Luc Brodeur a failli mourir de déshydrata­tion sévère en janvier 2020, à la suite d’une éclosion d’influenza. Le médecin proposait de le laisser partir avec des soins de confort !

Au CHSLD Laflèche, le personnel ne connaissai­t pas le dossier médical complexe de Maria Lermytte.

La liste est aussi longue qu’horrifiant­e, car sans la COVID, nous n’aurions pas été confrontés à l’ampleur du drame qui néglige la fin de vie de tant d’aînés abandonnés à un système de

soins défaillant et indigne.

DÉTERMINAN­T

Et pourtant, cette triste réalité, on la connaît depuis trop longtemps.

Par le biais de leurs enquêtes respective­s, la coroner, la commissair­e à la santé et la protectric­e du citoyen ont offert une feuille de route exhaustive pour sortir nos aînés hébergés de cet âge de pierre.

Facile pour les partis d’opposition de critiquer le gouverneme­nt, réclamer une enquête publique. Mais que proposeron­t-ils pour corriger cette injustice indigne d’une société riche et moderne comme la nôtre ?

La classe politique aura-t-elle l’audace d’un vrai débat, avec de vraies réformes ? Ou se contentera-t-elle d’une empathie mielleuse et rassurante ? Le gouverneme­nt ajustera-t-il son projet de Maisons des aînés ?

Car n’oublions pas une chose essentiell­e. C’est la population qui a le pouvoir de dicter l’avenir de nos aînés en perte d’autonomie.

Techniquem­ent, une élection est le moment privilégié pour faire entendre cette revendicat­ion. Or, il faut l’avouer, rien n’est moins sûr.

Le 3 octobre prochain, les Québécois voteront-ils en fonction des réformes urgentes dans les soins aux aînés, ou choisiront-ils de privilégie­r leur portefeuil­le ?

C’est la question à laquelle nous devrions tous réfléchir.

Le vrai scandale, c’est notre trop longue indifféren­ce

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