Le Journal de Montreal

Cette guerre va s’éterniser

Pas question pour les Russes de céder pendant que les Ukrainiens « crinqués » veulent tout récupérer

- OLIVIER FAUCHER

Le conflit en Ukraine entre dans une « phase prolongée » dans laquelle Moscou et Kyïv, dont les revendicat­ions semblent irréconcil­iables, vont se mener une « guerre d’usure », selon des experts.

« La Russie se prépare à mener une opération militaire à long terme, a déclaré hier le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, devant les ministres de la Défense de l’Union européenne (UE) et le secrétaire général de l’OTAN. La guerre entre dans une phase prolongée », a-t-il ajouté.

Selon lui, les troupes russes fortifient leurs positions dans les territoire­s qu’elles occupent dans les régions de Zaporijjia et Kherson, afin de « passer en mode défensif si nécessaire ».

« GUERRE D’USURE »

Selon des experts consultés par Le Journal, le conflit en Ukraine semble en effet passer à une nouvelle étape, où la ligne de front ne bougera pas beaucoup et où les belligéran­ts se feront une « guerre d’usure. »

Devant l’échec de la Russie d’accomplir ses objectifs militaires initiaux, les Ukrainiens, y compris le président Volodymyr Zelensky, sont « crinqués », estime Pierre St-Cyr, ancien attaché de la Défense canadienne en Russie et en Ukraine.

« Zelensky voit que les Russes ne sont plus dans une position de force. Sa position de négociatio­n est donc très simple : vous me redonnez tout, y compris la Crimée », annexée par la Russie huit ans avant l’invasion en 2014, analyse M. St-Cyr.

Kyïv va-t-elle tenter de reconquéri­r militairem­ent les territoire­s occupés ? « Ça va prendre énormément de moyens pour rejeter les Russes. Ça peut prendre années. »

De l’autre côté, les Russes ont « acquis de peine et de misère » des territoire­s dans le

sud et dans l’est et « il n’est pas question de laisser partir ça », poursuit-il.

« Ça devient vital pour eux pour dire à leur population qu’ils ont accompli une certaine victoire », explique M. St-Cyr.

PRÈS D’UN MOIS SANS NÉGOCIATIO­NS

Pour Yann Breault, spécialist­e des États postsoviét­iques à l’Institut d’études internatio­nales de Montréal, le « fossé gigantesqu­e » entre les positions des parties ne laisse « absolument pas planer de doute quant à leur incapacité d’en venir à un accord. »

Les deux pays ne se sont pas rencontrés depuis le 22 avril. Une guerre « matérielle et psychologi­que » se pointe selon lui, où les équipement­s militaires amenés au front pourraient finir par avantager l’Ukraine.

« Devant l’incapacité de sécuriser les positions actuelles, il y aura peut-être une volonté [de Moscou] de déplacer le terrain des confrontat­ions vers celui d’une guerre nucléaire », craint M. Breault, dont ce scénario « l’empêche de dormir la nuit. »

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PHOTO AFP Une femme de Kharkiv revient avec quelques denrées avec en arrière-plan des immeubles dévastés par les bombardeme­nts de l’armée russe.

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