Cette guerre va s’éterniser
Pas question pour les Russes de céder pendant que les Ukrainiens « crinqués » veulent tout récupérer
Le conflit en Ukraine entre dans une « phase prolongée » dans laquelle Moscou et Kyïv, dont les revendications semblent irréconciliables, vont se mener une « guerre d’usure », selon des experts.
« La Russie se prépare à mener une opération militaire à long terme, a déclaré hier le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, devant les ministres de la Défense de l’Union européenne (UE) et le secrétaire général de l’OTAN. La guerre entre dans une phase prolongée », a-t-il ajouté.
Selon lui, les troupes russes fortifient leurs positions dans les territoires qu’elles occupent dans les régions de Zaporijjia et Kherson, afin de « passer en mode défensif si nécessaire ».
« GUERRE D’USURE »
Selon des experts consultés par Le Journal, le conflit en Ukraine semble en effet passer à une nouvelle étape, où la ligne de front ne bougera pas beaucoup et où les belligérants se feront une « guerre d’usure. »
Devant l’échec de la Russie d’accomplir ses objectifs militaires initiaux, les Ukrainiens, y compris le président Volodymyr Zelensky, sont « crinqués », estime Pierre St-Cyr, ancien attaché de la Défense canadienne en Russie et en Ukraine.
« Zelensky voit que les Russes ne sont plus dans une position de force. Sa position de négociation est donc très simple : vous me redonnez tout, y compris la Crimée », annexée par la Russie huit ans avant l’invasion en 2014, analyse M. St-Cyr.
Kyïv va-t-elle tenter de reconquérir militairement les territoires occupés ? « Ça va prendre énormément de moyens pour rejeter les Russes. Ça peut prendre années. »
De l’autre côté, les Russes ont « acquis de peine et de misère » des territoires dans le
sud et dans l’est et « il n’est pas question de laisser partir ça », poursuit-il.
« Ça devient vital pour eux pour dire à leur population qu’ils ont accompli une certaine victoire », explique M. St-Cyr.
PRÈS D’UN MOIS SANS NÉGOCIATIONS
Pour Yann Breault, spécialiste des États postsoviétiques à l’Institut d’études internationales de Montréal, le « fossé gigantesque » entre les positions des parties ne laisse « absolument pas planer de doute quant à leur incapacité d’en venir à un accord. »
Les deux pays ne se sont pas rencontrés depuis le 22 avril. Une guerre « matérielle et psychologique » se pointe selon lui, où les équipements militaires amenés au front pourraient finir par avantager l’Ukraine.
« Devant l’incapacité de sécuriser les positions actuelles, il y aura peut-être une volonté [de Moscou] de déplacer le terrain des confrontations vers celui d’une guerre nucléaire », craint M. Breault, dont ce scénario « l’empêche de dormir la nuit. »