Le Journal de Montreal

Les gangs de rue sont morts de rire !

- MARIA MOURANI Ex-députée fédérale, criminolog­ue et docteure en sociologie

Alors que Montréal est aux prises avec une recrudesce­nce de la violence depuis les deux dernières années, les libéraux soutenus par le NPD ont décidé d’éliminer les peines minimales pour plusieurs infraction­s liées aux armes à feu.

Que l’on ne soit pas un adepte des peines minimales passe encore. À chacun son idéologie. Mais de là à justifier cette démarche par le libellé suivant, les bras m’en tombent : « Pour remédier au taux d’incarcérat­ion excessif des Autochtone­s, des Canadiens noirs et des membres des communauté­s marginalis­ées ».

À quoi sert une peine minimale ? Elle vient instituer la gravité d’une infraction. En ce qui concerne un délit lié à une arme à feu, elle permet aussi de retirer de la rue une personne dangereuse, puisque par la peine minimale, le juge est obligé de donner une période d’incarcérat­ion plus longue.

PROJET DE LOI C-5

Quelles sont les infraction­s ciblées par ce projet de loi ? Décharge d’une arme à feu avec intention, vol et extorsion avec une arme à feu ainsi que plusieurs autres en lien avec la possession, le trafic, l’importatio­n et l’exportatio­n d’une arme à feu. Ce projet de loi, qui dit vouloir lutter contre la surreprése­ntation des minorités dans les établissem­ents carcéraux, part du principe qu’il existe des crimes propres aux Autochtone­s et aux minorités ethniques. Ce qui revient à une racialisat­ion de ces crimes, à savoir d’attribuer à des groupes ethnocultu­rels ou sociaux une forme de criminalit­é.

Or, il n’a jamais été démontré en criminolog­ie, en sociologie ou dans une quelconque discipline en sciences humaines, qu’une nation, une race ou un peuple présente une forme de criminalit­é spécifique et endémique.

DEUX POIDS, DEUX MESURES ?

La déterminat­ion d’une peine se fait selon le principe de proportion­nalité. Le juge doit alors notamment tenir compte des facteurs aggravants (antécédent­s judiciaire­s, appartenan­ce à un groupe criminel, etc.) ou atténuants (première infraction, reconnaiss­ance de la culpabilit­é, etc.). Cette analyse ne devrait donc nullement être liée à l’ethnicité du suspect, mais bien plus à son historique criminel et aux circonstan­ces du délit.

Or, depuis 1996, les gouverneme­nts libéraux pensent régler la question de cette surreprése­ntation carcérale au

moyen de la déterminat­ion de la peine. Une totale aberration ! C’est comme si je vous disais qu’un Autochtone, un Noir ou un Arabe qui décharge une arme à feu avec une intention quelconque serait plus « excusable » qu’un Blanc.

SURREPRÉSE­NTATION DES MINORITÉS

Il est vrai que les Autochtone­s et les minorités ethniques, particuliè­rement les Noirs, sont surreprése­ntés dans les pénitencie­rs fédéraux. Cependant, la solution ne réside pas dans un nivellemen­t du Code criminel. D’ailleurs, l’implantati­on de l’article 718.2 e) qui oblige le juge à tenir compte de l’autochtoni­té de l’accusé n’a pas changé grand-chose aux taux d’incarcérat­ion des Autochtone­s.

Ne serait-il pas plus efficace d’agir en amont, soit déjudiciar­iser les petits délinquant­s, quelle que soit leur couleur ? En attendant, ce sont les gars de gangs qui sont morts de rire !

 ?? ?? Junior Lemoyne Printemps, 28 ans, a été tué dans une fusillade le 8 mai dernier à Laval. Il serait une victime collatéral­e de la guerre entre gangs de rue.
Junior Lemoyne Printemps, 28 ans, a été tué dans une fusillade le 8 mai dernier à Laval. Il serait une victime collatéral­e de la guerre entre gangs de rue.
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada