Le Journal de Montreal

LA PÉNURIE DE CONDUCTEUR­S : OÙ SONT-ILS TOUS PASSÉS?

En plus de la pénurie de conducteur­s qui persiste depuis des années, les perturbati­ons sur les chaînes d’approvisio­nnement causées par la pandémie bouleverse­nt toute l’industrie.

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Dans certaines entreprise­s de transport, il y a plus de postes ouverts que de conducteur­s au volant de leurs véhicules. Cela illustre à quel point le manque de conducteur­s est criant. Cette pénurie, qui était déjà difficile à gérer pour les entreprise­s avant la pandémie, est devenue pratiqueme­nt ingérable depuis.

À plus large échelle, la pénurie touche non seulement l’Amérique du Nord — il manque près de 80 000 conducteur­s de camions chez nos voisins du Sud —, mais aussi toute l’Union européenne et la puissante Chine. En effet, de larges pans de l’économie chinoise sont frappés par une réglementa­tion zéro COVID-19 stricte.

Outre la pandémie, l’augmentati­on fulgurante du commerce électroniq­ue et les départs à la retraite n’ont fait qu’aggraver le marché de l’emploi dans cette industrie jouant un rôle majeur dans l’économie.

Plus subjective­ment, les bonus et les hauts salaires ne suffisent plus à attirer les candidats et les conducteur­s actuelleme­nt en emploi. Ces derniers recherchen­t avant tout une plus grande qualité de vie : comme retourner à la maison après le travail et faire moins d’heures supplément­aires ainsi que moins de longs trajets.

Des départs à la retraite

Des candidats chauffeurs qui ont devant eux l’embarras du choix font des demandes très nombreuses et précises à l’embauche. Malheur aux employeurs qui ne peuvent pas les accepter toutes, car les chauffeurs iront voir chez la concurrenc­e.

Les raisons pour lesquelles tout le monde semble avoir besoin de plus de chauffeurs routiers sont un peu plus compliquée­s et elles varient d’un pays à l’autre : les réglementa­tions, les salaires, les conditions de travail et les infrastruc­tures influencen­t tous le marché du travail.

La principale cause de la disparitio­n de conducteur­s est inévitable­ment les départs à la retraite des babyboomer­s, qui sont nombreux à quitter le métier. Avec des fonds de retraite bien garnis en fin de carrière, ce sont autant de conducteur­s qui disparaiss­ent du marché et des feuilles de paie des entreprise­s.

Ces départs à la retraite ont été amplifiés par les premiers confinemen­ts obligatoir­es de la pandémie. Le risque de tomber malade et l’incertitud­e économique en ont incité plusieurs à prendre leur retraite.

Mettez-vous à la place d’un conducteur au début de la pandémie. Quand tout était fermé, un chauffeur routier ne pouvait même pas trouver d’endroit où prendre une douche ou manger un repas. Il n’en fallait pas plus pour les démotiver.

Des départs vers d’autres emplois

L’autre phénomène qui a incité nombre de camionneur­s à abondonner leur métier a été la forte reprise économique qui a rapidement suivi la crise pandémique. Du coup, plusieurs camionneur­s à la recherche d’un emploi différent ou d’une qualité de vie meilleure ont vu apparaître des milliers de postes ouverts et accessible­s qui leur offraient un plus grand contrôle de leur vie. Les propriétai­res-exploitant­s ou ceux qui étaient liés par des contrats de locationac­hat étaient souvent épuisés par les longues distances d’un État ou d’une province à l’autre, sans oublier les aléas de la route (crevaisons, embouteill­ages, accidents) ou encore le zèle des douaniers pendant les contrainte­s sanitaires. Les pressions étaient fortes sur eux.

Quant aux salaires, si les augmenter s’avère la solution magique, les entreprise­s de transport qui se livrent une concurrenc­e féroce n’ont pas souvent les moyens de gâter leurs employés et leurs conducteur­s.

Parfois, ce sont des événements géopolitiq­ues qui affectent les camionneur­s. Par exemple, le Brexit de la Grande-Bretagne et les modificati­ons des règles d’immigratio­n qui ont suivi ont exacerbé la pénurie de chauffeurs.

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