Les fraudeurs ratoureux
Dans l’angle mort de la pandémie, les fraudeurs ont élargi leur terrain de jeu. Plus que jamais, ils pourrissent la vie d’un grand nombre d’honnêtes gens.
Ce sont des hameçonneurs opportunistes, des « ratoureux » de médias sociaux, ou encore des voleurs d’identité. On peut dire que ces arnaqueurs ont bien profité de l’accélération technologique des deux dernières années pour raffiner leurs techniques.
Fait alarmant, au Canada, c’est le Québec qui arrive au premier rang pour ce qui est du nombre de fraudes d’identité. Selon le Centre antifraude du Canada, il s’agit du type de fraude le plus fréquent depuis un an.
Seulement en 2021, les Québécois se sont fait voler plus de 30 millions de dollars.
Ces statistiques officielles sous-estiment l’ampleur du problème, car elles ne concernent que les fraudes déclarées au centre antifraude. La pointe de l’iceberg, quoi !
ARNAQUÉS
Pour les victimes, après la fraude commence un véritable parcours du combattant. La plupart ne revoient jamais la couleur de leur argent. C’est le cas de Dominic Trudel, un entrepreneur en construction, qui a récemment été victime d’une arnaque « nouveau-genre ».
« Le fraudeur m’a appelé en se faisant passer pour un agent antifraude de chez Desjardins, et il m’a demandé d’effectuer un virement bancaire à moi-même dans le cadre d’une vérification de routine », m’explique M. Trudel.
Ce dernier a pris la peine de questionner son interlocuteur pour s’assurer qu’il n’avait pas affaire à un fraudeur.
« Tout s’est passé très vite, la personne connaissait une foule d’informations confidentielles sur ma personne et sur mon entreprise ».
La suite est simple. Pendant que l’entrepreneur effectue le virement à son propre compte courriel, l’arnaqueur pirate son compte Outlook et encaisse le virement.
« Après plusieurs mois d’attente, la Banque Nationale a décidé de ne pas couvrir la perte. La police, bien qu’elle fasse son possible, ne peut rien de concret pour moi », se désolet-il.
DES MILLIERS DE VICTIMES
Chaque année, des milliers de Québécois font le même cauchemar que Dominic. La plupart du temps, il vient
avec un sentiment de honte et de remords. Parce qu’être victime d’escroquerie, ce n’est pas banal. Ça vient avec des impacts financiers. Ça laisse des traces psychologiques et sociales qu’il ne faut pas sous-estimer.
Ces dernières années, les données de millions de Québécois ont été volées. On pense tout de suite au cas Desjardins, mais d’autres institutions ont eu elles aussi leurs déboires. Même le gouvernement n’a pas été en mesure de bien protéger ses données. Dans ce contexte, il devient évident qu’on doit en faire plus pour aider les victimes.
En 2022, les gouvernements n’arrivent même pas à chiffrer l’ampleur des pertes financières liées au vol d’identité et à la fraude. Ce n’est pas normal.
Les corps policiers doivent aussi augmenter leurs effectifs pour contrer les crimes technologiques. En ce moment, la plupart des victimes se font dire que la police ne peut rien faire. Ça non plus, ce n’est pas normal.
Il faudrait songer à instaurer une véritable escouade antifraude, sur laquelle une victime peut compter lorsqu’elle est prise dans le filet d’un voleur.
Peut-être même instaurer un guichet unique qui colligerait les éléments de preuves, multiplierait les enquêtes, et collaborerait avec les corps policiers de partout au pays et même à l’international ?
Il s’agit d’un chantier ambitieux, c’est vrai. Mais en ce moment, pendant que les victimes cherchent une bouée de sauvetage au milieu d’une mer agitée, les escrocs, eux, se prélassent sur une plage en sirotant un daiquiri à leur santé.
Vous trouvez ça normal, vous ?
En ce moment, la plupart des victimes se font dire que la police ne peut rien faire