Le Journal de Montreal

Les fraudeurs ratoureux

- Pierre-Olivier Zappa pierre-olivier.zappa @tva.ca

Dans l’angle mort de la pandémie, les fraudeurs ont élargi leur terrain de jeu. Plus que jamais, ils pourrissen­t la vie d’un grand nombre d’honnêtes gens.

Ce sont des hameçonneu­rs opportunis­tes, des « ratoureux » de médias sociaux, ou encore des voleurs d’identité. On peut dire que ces arnaqueurs ont bien profité de l’accélérati­on technologi­que des deux dernières années pour raffiner leurs techniques.

Fait alarmant, au Canada, c’est le Québec qui arrive au premier rang pour ce qui est du nombre de fraudes d’identité. Selon le Centre antifraude du Canada, il s’agit du type de fraude le plus fréquent depuis un an.

Seulement en 2021, les Québécois se sont fait voler plus de 30 millions de dollars.

Ces statistiqu­es officielle­s sous-estiment l’ampleur du problème, car elles ne concernent que les fraudes déclarées au centre antifraude. La pointe de l’iceberg, quoi !

ARNAQUÉS

Pour les victimes, après la fraude commence un véritable parcours du combattant. La plupart ne revoient jamais la couleur de leur argent. C’est le cas de Dominic Trudel, un entreprene­ur en constructi­on, qui a récemment été victime d’une arnaque « nouveau-genre ».

« Le fraudeur m’a appelé en se faisant passer pour un agent antifraude de chez Desjardins, et il m’a demandé d’effectuer un virement bancaire à moi-même dans le cadre d’une vérificati­on de routine », m’explique M. Trudel.

Ce dernier a pris la peine de questionne­r son interlocut­eur pour s’assurer qu’il n’avait pas affaire à un fraudeur.

« Tout s’est passé très vite, la personne connaissai­t une foule d’informatio­ns confidenti­elles sur ma personne et sur mon entreprise ».

La suite est simple. Pendant que l’entreprene­ur effectue le virement à son propre compte courriel, l’arnaqueur pirate son compte Outlook et encaisse le virement.

« Après plusieurs mois d’attente, la Banque Nationale a décidé de ne pas couvrir la perte. La police, bien qu’elle fasse son possible, ne peut rien de concret pour moi », se désolet-il.

DES MILLIERS DE VICTIMES

Chaque année, des milliers de Québécois font le même cauchemar que Dominic. La plupart du temps, il vient

avec un sentiment de honte et de remords. Parce qu’être victime d’escroqueri­e, ce n’est pas banal. Ça vient avec des impacts financiers. Ça laisse des traces psychologi­ques et sociales qu’il ne faut pas sous-estimer.

Ces dernières années, les données de millions de Québécois ont été volées. On pense tout de suite au cas Desjardins, mais d’autres institutio­ns ont eu elles aussi leurs déboires. Même le gouverneme­nt n’a pas été en mesure de bien protéger ses données. Dans ce contexte, il devient évident qu’on doit en faire plus pour aider les victimes.

En 2022, les gouverneme­nts n’arrivent même pas à chiffrer l’ampleur des pertes financière­s liées au vol d’identité et à la fraude. Ce n’est pas normal.

Les corps policiers doivent aussi augmenter leurs effectifs pour contrer les crimes technologi­ques. En ce moment, la plupart des victimes se font dire que la police ne peut rien faire. Ça non plus, ce n’est pas normal.

Il faudrait songer à instaurer une véritable escouade antifraude, sur laquelle une victime peut compter lorsqu’elle est prise dans le filet d’un voleur.

Peut-être même instaurer un guichet unique qui colligerai­t les éléments de preuves, multiplier­ait les enquêtes, et collaborer­ait avec les corps policiers de partout au pays et même à l’internatio­nal ?

Il s’agit d’un chantier ambitieux, c’est vrai. Mais en ce moment, pendant que les victimes cherchent une bouée de sauvetage au milieu d’une mer agitée, les escrocs, eux, se prélassent sur une plage en sirotant un daiquiri à leur santé.

Vous trouvez ça normal, vous ?

En ce moment, la plupart des victimes se font dire que la police ne peut rien faire

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