Notre pouvoir d’achat chute encore
L’alimentation accapare désormais une part inquiétante du budget des ménages
Même si l’augmentation des prix à l’épicerie atteignait près de 10 % en avril pendant que les salaires montaient d’un maigre 3,3 %, nous sommes loin d’être au bout de nos peines.
« Les Québécois perdent clairement du pouvoir d’achat », résume David Dupuis, du département d’économie de l’Université de Sherbrooke.
Ce constat s’appuie sur les plus récents chiffres de l’inflation publiés hier par Statistique Canada. Au total, sur un an, les prix ont augmenté de 6,8 %.
Si David Dupuis s’attendait à plus de bonnes nouvelles, ce ne fut pas le cas. Au premier rang des mauvaises : l’inflation alimentaire s’accélère.
« L’inquiétude, c’est que le poids de l’alimentation dans le budget moyen est de 16 %, ce qui est beaucoup », dit-il.
En avril, les prix à l’épicerie ont augmenté de 9,7 %, selon Statistique Canada, contre 8,7 % en mars et 7,4 % en février.
C’est surtout le cinquième mois de suite que le prix des aliments augmente de plus de 5 %. De 2010 à 2020, on n’avait compté que cinq mois au total à plus de 5 %.
Même que depuis décembre, le prix de certains légumes a grimpé en flèche , notamment celui des carottes (22 %), du brocoli (19 %), des patates douces (18 %), de la laitue iceberg (17 %), de la laitue romaine (16 %) et du chou (12 %).
Toujours depuis décembre 2021, les pâtes et la farine ont aussi bondi de 13 %.
« Si vous ne saviez pas que vous gagnez maintenant moins d’argent brut, allez faire un tour à l’épicerie », illustre Sylvain Charlebois, du Laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie.
L’expert en alimentation y va d’une métaphore sportive.
« Le pire, c’est qu’on est juste à la fin de la première période. On en a encore pour longtemps », dit-il.
PEU DE CONTRÔLE SUR LES CAUSES
C’est aussi ce que pense un des économistes du Mouvement Desjardins.
« Ça va être comme ça pendant des mois encore », selon Benoît Durocher.
Le Québec et le Canada n’ont que très peu, voire aucun, contrôle sur les facteurs qui font grimper les prix.
« Le prix de l’énergie, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement, la rareté des engrais qui fait augmenter le prix de la nourriture, ce sont tous des facteurs internationaux », rappelle-t-il.
D’ailleurs, ajoute l’économiste, l’inflation est pire aux États-Unis qu’ici. Elle était de 8,3 % en avril.
ENCORE POUR AU MOINS UN AN
Une des bonnes nouvelles contenues dans le 6,8 % d’augmentation, selon David Dupuis, c’est que la montée du prix de l’essence s’est « calmée » en avril.
« Sauf qu’avec ce qu’on voit à la pompe en mai, on va se faire ramasser pour l’inflation de mai », lance-t-il du même souffle.
Dans son scénario le plus optimiste, « qui ne se produira pas, en raison de l’invasion de l’Ukraine », l’inflation reviendrait sous la barre des 3 % en janvier prochain.
« Le vrai scénario optimiste, c’est un retour à 3 % et moins en avril 2023 », croit-il.
D’ici là, les ménages à faibles revenus vont continuer de « manger la claque ».