J’aurais pu être né franco-huron !
Si j’en crois la cinéaste Annabel Loyola, j’aurais pu, comme bien d’autres Montréalais, avoir des origines huronnes.
Trop peu de Québécois connaissent Jeanne Mance et encore moins savent qui est Annabel Loyola. Son long métrage documentaire, La ville d’un rêve, sera projeté demain au Festival international du film d’histoire, la semaine prochaine à la Cinémathèque de Montréal et au Cinéma du Musée, puis à la Maison du cinéma de Sherbrooke et au Clap de Sainte-Foy.
La ville d’un rêve est le dernier documentaire d’une trilogie sur la fondation de Montréal qu’on doit à cette cinéaste née à Langres, comme Jeanne Mance, mais quatre siècles plus tard. C’est parce qu’elle est « concitoyenne » de Jeanne Mance qu’Annabel Loyola, qui vit maintenant au Quéplus bec, a consacré d’une décennie à la découverte de la cofondatrice de Montréal. C’est un travail colossal d’historienne qu’a abattu madame Loyola. Ses trois longs métrages documentaires traitent des motivations qui ont poussé une petite villageoise de Champagne à partir vers un pays inconnu et hostile, en compagnie de Paul Chomedey de Maisonneuve.
FONDER UN PAYS NOUVEAU
Ce couple improbable de trentenaires – infirmière, Jeanne Mance a 36 ans ; officier, lui a 30 ans – est motivé, selon la cinéaste, uniquement par le désir de quitter une Europe qu’ils jugent tous les deux corrompue et décadente pour fonder un pays nouveau prônant la fraternité et la dignité pour tous. Le deuxième film de la trilogie, Le dernier souffle, retrace l’histoire de l’Hôtel-Dieu, l’hôpital mythique que Jeanne Mance a mis sur pied pendant que son compagnon d’aventure jetait sur l’île les bases d’une société civile.
En examinant le manuscrit de L’histoire du Montréal (sic), écrit par Dollier de Casson en 1672, la cinéaste a eu l’intuition qu’il s’agissait des mémoires mêmes de Jeanne Mance, colligés par de Casson un an avant la mort de l’héroïne. Conservé à la bibliothèque Mazarine de Paris, le manuscrit est devenu le fil conducteur de La ville d’un rêve. La réalisatrice a eu la main heureuse en choisissant Alexis Martin pour être la voix du sulpicien de Casson et Pascale Bussières pour être celle de Jeanne Mance. Sur un ton simple et chaleureux, la comédienne raconte au « je » toute l’histoire du point de vue de Jeanne Mance.
UN PROJET BIEN AUDACIEUX
Est-ce la vérité ou est-ce une hypothèse qu’il ne serait pas aisé de vérifier, c’est plus qu’un monde nouveau que souhaitaient construire Paul de Maisonneuve et Jeanne Mance. Devant l’affabilité des Hurons qu’ils trouvèrent sur l’île, leur facilité à apprendre le français et leur intérêt à se convertir au christianisme, le couple conclut qu’il serait possible de concevoir un peuple nouveau en multipliant les mariages mixtes entre Hurons et Français.
Plus d’un obstacle freina leur audacieux projet.
D’abord, les Iroquois, ennemis jurés des Hurons. Ils se montrèrent de plus en plus hostiles et menèrent des raids meurtriers contre la colonie naissante. Puis les maladies importées d’Europe par les Français décimaient les Autochtones qui n’avaient pas les anticorps développés par les Européens.
Enfin, les voyages transatlantiques aussi coûteux que hasardeux. Le film raconte que lors du deuxième grand recrutement de colons, le couple Thibodeau
quitta le port de La Rochelle avec cinq enfants, dont trois succombèrent durant la traversée.
Le 9 mars 1663, Louis XIV céda Montréal aux Sulpiciens ; et La Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des Sauvages de la Nouvelle-France, dont faisaient partie Jeanne Mance et M. de Maisonneuve, fut dissoute. Voilà pourquoi je n’ai pas de sang huron dans les veines !