Le Journal de Montreal

Des préjugés qui perdurent

Malgré les avancés scientifiq­ues, plusieurs embûches demeurent

- MATHIEU CARBASSE,

À l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobi­e et la

biphobie qui avait lieu mardi, le 24 heures est allé à la rencontre de Phillipe Pelletier, déclaré positif au VIH en 2013, et du Dr Réjean Thomas, spécialist­e du VIH/sida mondialeme­nt reconnu et cofondateu­r de la clinique médicale l’Actuel, à Montréal.

Traitement­s, transmissi­on, dating, acceptabil­ité sociale… plusieurs préjugés perdurent encore aujourd’hui autour du VIH, une infection ancrée dans la réalité des personnes de la communauté LGBT, malgré les nombreuses avancées au niveau scientifiq­ue.

Comment vit-on avec le VIH en 2022 ?

Philippe Pelletier (PP) : Ça va bientôt faire neuf ans que je vis avec le VIH. Dès que j’ai reçu mon diagnostic, en 2013, on m’a offert de participer à un protocole de recherche pour un nouveau médicament. Mon traitement consiste donc en deux injections intramuscu­laires – une dans chaque fesse – tous les deux mois. C’est tout.

Sur le plan strictemen­t médical, je dirais que la maladie a peu ou pas d’impact sur moi. Je suis en pleine forme, indétectab­le, et mon système immunitair­e va très bien ! C’est plutôt socialemen­t que la maladie a un effet négatif. Parce que même si la science nous permet de vivre vraiment bien avec le VIH et de ne pas le transmettr­e (on peut avoir des enfants même si on a le VIH, et eux ne l’auront pas), au niveau social, c’est plus difficile.

Difficile socialemen­t… c’est-à-dire ?

PP: Les gens n’ont aucune idée de notre réalité. Ils pensent encore comme dans les années 1980. Ils pensent que, quand tu l’attrapes, tu meurs. Et alors ils ont peur. Or le VIH, c’est comme l’électroniq­ue, ça a tellement évolué dans les dernières années qu’il faut vraiment s’actualiser. Honnêtemen­t, ma vie n’a pas vraiment changé avec le VIH, à part au niveau du sentiment de honte que j’éprouve encore parfois. Clairement, la science avance plus vite que l’acceptabil­ité sociale.

Comment les traitement­s empêchent de transmettr­e le VIH ?

Dr Réjean Thomas (RT) : Quand une personne est infectée par le VIH (et n’est pas traitée), elle va avoir une charge virale dans son sang, une quantité de virus qui peut varier de 100 000 copies par millilitre de sang jusqu’à des millions.

Dès qu’on place cette personne sous thérapie, à l’intérieur d’un mois, deux mois, trois mois max, la quantité de virus va devenir tellement faible que la personne devient indétectab­le. Et elle ne peut pas transmettr­e le VIH.

Et pour le dating, ça se passe comment ?

PP: Sur les applicatio­ns de rencontre, quand je dis que je suis indétectab­le, certaines personnes ont peur et elles ne veulent plus me parler par la

Main dans suite. Elles disparaiss­ent. sd les faits, une personne qui connaît son statut a bien moins de risques de transmettr­e le VIH que les gens qui ne savent pas quel est leur statut.

Comment expliquer le tabou qui existe encore concernant le sida, notamment par rapport à d’autres maladies ?

PP: Au Québec, on aime se dire « laïc », c’est un mot qu’on entend beaucoup ces dernières années. Mais les valeurs judéo-chrétienne­s sont bien ancrées dans notre société et le sexe demeure un tabou. On n’en parle pas.

Quand j’ai été diagnostiq­ué, il y a un docteur qui m’a dit quelque chose qui m’a profondéme­nt marqué. Il m’a dit : « Tu sais, si tu avais le cancer, tu en parlerais à tout le monde. Tu ferais un post sur Facebook… »

C’est comme s’il y avait les bonnes maladies et

puis les mauvaises.

 ?? PHOTO AGENCE QMI, ÉTIENNE BRIÈRE ?? Dr Réjean Thomas, cofondateu­r de la clinique l’Actuel, à Montréal.
PHOTO AGENCE QMI, ÉTIENNE BRIÈRE Dr Réjean Thomas, cofondateu­r de la clinique l’Actuel, à Montréal.

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