Le Mexique, toujours aussi intraitable
On aimerait tellement lui donner une chance. Une autre. Se laisser convaincre que son histoire rocambolesque et sa culture effervescente, couplées à des plages si accueillantes, constituent tout ce qu’il y a à garder en tête et à apprécier. Puis, une nouvelle horreur nous rappelle
que ça continue de jouer dur au Mexique.
La semaine dernière, le ministère mexicain de l’Intérieur a dû confirmer que la liste des disparus au fil des dernières décennies dépassait maintenant les 100 000 personnes. Un chiffre déjà ahurissant qui a fait un bond de plus de 20 000, uniquement au cours des deux dernières années.
De quoi attiser l’ardeur de ceux qui exigent un meilleur système de recherche et de vrais efforts de secours. Car, selon Michelle Bachelet, la commissaire aux droits humains de l’ONU, seules trente-cinq disparitions – oui, 35 ! – sur les 100 000 évoquées ont conduit à la condamnation de coupables.
ERRANT CHEZ SOI
Il y a aussi ceux et celles forcés à l’exil dans leur propre pays. Plus tôt cette année, le Washington Post aeu le courage – le Mexique est le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes – de parcourir l’État du Michoacán, tout juste à l’ouest de la capitale, Mexico.
Sous le titre « La guerre d’à côté », la correspondante Mary Beth Sheridan a relaté les mésaventures de quelquesuns de ces 20 000 expatriés de l’intérieur, chassés de chez eux au cours de la dernière année seulement.
Des histoires qui, hélas, se comparent aisément à celles qui nous viennent d’Ukraine.
L’État du Michoacán – l’équivalent en superficie des régions de la Mauricie et de Laurentides-Lanaudière réunies – est gangrené par une guerre de cartels de la drogue. En fait, le trafic de l’héroïne, des méthamphétamines et du fentanyl ne leur suffisait pas. Ils s’arrachent par la violence et la terreur le contrôle d’industries entières dans l’État : les plantations de bananes et d’avocats, les stocks de bois, les mines de fer.
ODIEUX ET IMPITOYABLES
Au fil des ans, leurs méthodes n’ont fait qu’empirer. Il y a d’abord eu ces grenades lancées dans une foule de fêtards à Morelia et le mitraillage d’adolescents lors d’un party d’anniversaire à Ciudad Juárez ; désormais, les gangs en sont à la décapitation, au démembrement et à l’incinération des corps, de quoi épouvanter les civils innocents.
La violence liée à cette criminalité aurait fait plus de 350 000 morts au cours des quinze dernières années.
L’an dernier, 94 meurtres étaient commis chaque jour au Mexique. Il suffit de jeter un oeil sur la page que le gouvernement du Canada consacre au Mexique pour comprendre que peu de secteurs échappent à l’avis « Évitez tout voyage non essentiel ! ».
Tristement difficile de voir la fin de ce carnage : les cartels n’ont aucune peine à recruter dans une population que la pandémie a appauvrie. Selon l’agence mexicaine responsable du dossier, les pauvres constituaient 43,9 % de la population en 2020 ; tout près d’un Mexicain sur deux.
Et après on s’interroge pourquoi eux et des milliers d’autres Centro-Américains (ils sont 7500 en moyenne quotidiennement ces jours-ci) montent vers le nord et forcent la frontière américaine. Ça peut, à leurs yeux, difficilement être pire.