Éloge de la vieille garde
Joël Le Bigot, Denis Lévesque, Paul Houde : on rapproche rarement ces trois noms, et pourtant, cette semaine, on a dû le faire, car les trois hommes ont annoncé, à quelques jours de distance, qu’ils quittaient leur micro.
Le premier, pour de bon : il arrive, comme on dit, à l’âge de la retraite. Le second, pour commencer un nouveau cycle dans sa carrière, le troisième, parce qu’apparemment, ses patrons n’ont pas cru nécessaire de prolonger son contrat, ce qu’on qualifiera poliment de mauvaise idée.
MICROS
Ces trois hommes incarnaient, dans notre paysage audiovisuel, une vraie liberté de ton, une culture personnelle, en décalage avec les temps présents, où dominent trop souvent les animateurs formatés.
À Radio-Canada, Le Bigot était un monument et un dissident. Un monument tellement important, presque intouchable, qu’il se permettait de tenir des propos que l’époque réprouve et que le bon sens, secrètement, approuve. Lorsqu’il parlait, les chastes oreilles saignaient, et le public se réjouissait.
À LCN, Denis Lévesque savait mettre en valeur le caractère souvent extraordinaire de la vie des ordinaires. Mais il savait aussi mener de grands entretiens, avec un style absolument inimitable.
Au 98,5, Paul Houde savait, quant à lui, conjuguer l’humour et l’esprit encyclopédique le plus improbable. Ces trois hommes n’étaient pas que des animateurs : c’étaient des personnages. J’aurais pu ajouter quelques noms, comme Pierre Bruneau et Michel Lacombe, qui mériteraient aussi des éloges.
LIBERTÉ
On nous dira : le monde doit se renouveler. Je répondrai : le neuf ne vaut pas toujours mieux que l’ancien. La grande expérience permet justement de se délivrer des préjugés souvent invisibles, mais bien pesants de notre temps. Surtout, je dirai que la liberté de l’esprit s’affaiblira sérieusement à la suite de leur départ.
Je les vois quitter, et une seule formule me vient à l’esprit : éloge de la vieille garde. Oui. Éloge de la vieille garde.