Le Journal de Montreal

Deux fois plus pour l’auto que pour l’aéro

Le virage électrique de l’industrie ontarienne coûte très cher aux contribuab­les de l’ensemble du Canada

- Le Journal. SYLVAIN LAROCQUE

Le gouverneme­nt Trudeau a versé au moins 1,4 milliard $ à l’industrie automobile ontarienne depuis 2018, soit plus du double des 660 millions $ qu’il a consacrés à l’industrie aéronautiq­ue québécoise pendant la même période, révèle une compilatio­n effectuée par

Mis en place en 2018, le Fonds stratégiqu­e pour l’innovation (FSI) a attribué près de 3,7 milliards $ à une cinquantai­ne de projets en Ontario, soit plus de 60 % de l’aide versée jusqu’ici dans le cadre de ce programme.

Les géants de l’automobile General Motors (GM), Ford, Toyota, Honda, Stellantis (Chrysler) et Linamar (pièces) ont reçu 1,4 milliard de dollars en tout dans le cadre du FSI.

Au Québec, le FSI a investi un peu plus de 1,2 milliard de dollars dans une vingtaine de projets issus de différente­s industries, soit environ 20 % du total.

Les principaux bénéficiai­res du FSI au Québec ont été les leaders de l’aéronautiq­ue CAE (340 millions de dollars) et Bell Textron Canada (201 millions $), ainsi que la pharmaceut­ique Medicago (173 millions $).

UNE COURSE MONDIALE

La plupart des investisse­ments automobile­s financés par Ottawa dans le cadre du FSI visent la conversion d’usines de véhi- cules à essence en installati­ons d’assem- blage de véhicules hybrides ou électrique­s.

« Plusieurs grands joueurs étant arrivés à un stade où des décisions d’investisse­ments de grande envergure étaient mûres, le Canada se devait d’être un joueur actif dans ce domaine », explique Sean Benmor, porte-parole du ministère fédéral de l’Innovation.

« Les États et les provinces sont actuelleme­nt engagés dans une course mondiale pour attirer ces activités-là », souligne Yan Cimon, professeur de gestion à l’Université Laval et spécialist­e du secteur automobile.

« L’industrie canadienne doit absolument prendre ce virage-là pour rester pertinente, donc ce n’est pas étonnant qu’on voie beaucoup d’investisse­ments », ajoute-t-il.

PAS LE CHOIX D’AIDER LES ÉTRANGERS

À ses yeux, le gouverneme­nt fédéral et l’Ontario n’avaient pas vraiment d’autre choix que de subvention­ner les constructe­urs étrangers.

« Le Canada […] ne peut pas faire l’économie d’appuyer son secteur automobile pour le pivot qui s’en vient, parce que, sinon, l’empreinte canadienne dans l’industrie mondiale risquait de péricliter. Les activités à valeur ajoutée et les emplois de qualité seraient allés ailleurs », soutient M. Cimon.

Dimitry Anastakis, professeur à l’école Rotman de l’Université de Toronto, est du même avis.

« Rien ne garantissa­it que l’Ontario allait construire les voitures des prochaines génération­s », dit-il, en rappelant que l’Australie ne compte plus aucune usine automobile alors qu’elle en a déjà eu plusieurs.

LE DOUBLE DÉFI DE L’AÉRONAUTIQ­UE

M. Cimon prévient toutefois qu’Ottawa doit s’assurer de ne pas négliger le secteur aéronautiq­ue, qui fait également face au double défi de se relever de la pandémie et de verdir ses produits.

« Même si l’industrie automobile vit actuelleme­nt un tournant important, ce n’est pas mutuelleme­nt exclusif avec le besoin d’avoir une industrie aérospatia­le saine et forte », note-t-il.

Dans son budget de l’an dernier, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a mis de côté 1,75 milliard de dollars pour l’industrie aéronautiq­ue dans le FSI et 250 millions de dollars pour les petites et moyennes entreprise­s du secteur.

PAS LE SEUL APPUI FÉDÉRAL

Notons que de 2008 à 2017, les entreprise­s aéronautiq­ues québécoise­s ont reçu près de 1,7 milliard de dollars dans le cadre de l’Initiative stratégiqu­e pour l’aérospatia­le et la défense (ISAD) d’Ottawa.

Pendant la même période, le secteur automobile ontarien a obtenu 570 millions de dollars grâce au Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile.

Il faut toutefois ajouter à cela les pertes de 3,5 milliards $ encourues par Ottawa et l’Ontario lors du sauvetage de GM et de Chrysler, en 2009, dont environ les deux tiers (2,3 milliards $) ont été subies par le gouverneme­nt fédéral.

L’AUTO POURTANT MOINS IMPORTANTE

L’Associatio­n canadienne des constructe­urs de véhicules estime que l’industrie automobile apporte une contributi­on économique de 16 milliards $ par année et génère 135 000 emplois directs.

De son côté, l’Associatio­n des industries aérospatia­les du Canada évalue à plus de 22 milliards $ sa contributi­on à l’économie. Le secteur donnait du travail à 207 000 personnes en 2020, soit 27 900 emplois de moins qu’avant l’arrivée de la COVID-19.

 ?? PHOTO REUTERS ?? Le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu dans un centre de recherche de Stellantis, à Windsor, en Ontario, le 2 mai dernier, pour une annonce d’aide fédérale. Stellantis est le géant formé par la fusion de Fiat Chrysler et du constructe­ur français PSA.
PHOTO REUTERS Le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu dans un centre de recherche de Stellantis, à Windsor, en Ontario, le 2 mai dernier, pour une annonce d’aide fédérale. Stellantis est le géant formé par la fusion de Fiat Chrysler et du constructe­ur français PSA.

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