Le Journal de Montreal

Ma troublante Journée nationale des patriotes

À midi hier, Serge Sasseville a fait jouer à tue-tête l’hymne national d’Ukraine devant le consulat de Russie à Montréal.

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Maintenant conseiller municipal indépendan­t de l’arrondisse­ment Ville-Marie, Sasseville manifeste ainsi son opposition à l’invasion de l’Ukraine, qui entre aujourd’hui dans son quatrième mois. Poussant un landau éclaboussé de peinture rouge pour symboliser la mort d’enfants tués par les raids russes, cet avocat, accompagné de quelques pacifistes dont je faisais partie hier, répète le même geste chaque jour depuis le 24 février.

À une autre époque, sauf pour les voisins immédiats des immeubles cossus qu’occupe le consulat russe, avenue du Musée, une manifestat­ion aussi modeste aurait passé inaperçue. Grâce à internet, elle a déjà été répercutée dans la plupart des pays d’Occident et elle continuera sûrement de faire parler tant qu’elle se poursuivra. C’est aussi grâce à internet que cette guerre, confinée pour l’instant à l’Ukraine, a des répercussi­ons mondiales et que Volodymyr Zelinsky, président d’un pays dont on savait peu de choses il n’y a pas si longtemps, est devenu un visage familier à travers le monde.

UNE FÊTE À PLUSIEURS NOMS!

Hier, c’était la Journée nationale des Patriotes. Lorsque j’étais à l’école primaire, ce lundi de mai était la fête du Roi. Quand j’étais au collège, c’est devenu la fête de Dollard des Ormeaux, puis elle fut remplacée par la fête de la Reine. En 2002, le premier ministre Bernard Landry décréta qu’on célébrerai­t plutôt les patriotes. Comme on enseigne peu d’histoire dans nos écoles, la plupart de mes petits-enfants ignoraient que quelques centaines de rebelles vinrent près de libérer le Bas-Canada de la Couronne britanniqu­e dans les années 1837-1838 pour faire du Québec un état souverain.

Hélas! il n’y avait pas d’internet à cette époque. On ignorait donc à Gaspé ou à Roberval qu’à Montréal et à Québec, des rebelles en avaient assez des diktats du compte de Gosford, le gouverneur britanniqu­e qui menait par le bout du nez les Assemblées législativ­es du Haut et du Bas-Canada. Wolfred Nelson et Louis-Joseph Papineau réunirent 6000 partisans et créèrent l’Assemblée des Six-Comtés, qui donna naissance aux Fils de la liberté. Ceux-ci prirent les armes afin de libérer le Bas-Canada.

Ce fut le début d’une rébellion qui donna lieu à des combats meurtriers contre les loyalistes et les soldats britanniqu­es à Saint-Denis, à Saint-Charles, puis à Saint-Eustache, où les patriotes furent décimés par les soldats de John Colborne. Cet administra­teur du Bas-Canada et son prochain gouverneur fut surnommé le «vieux brûlot» à cause de ses pratiques guerrières impitoyabl­es.

L’ÉVÊQUE ET LONDRES

Au moment de la rébellion, monseigneu­r Jean-Jacques Lartigue, l’évêque de Montréal, prit le parti de la Couronne britanniqu­e contre les patriotes. Sans son appui et celui du haut clergé, c’est facile d’imaginer que des milliers d’autres Canadiens français auraient grossi les rangs des patriotes, infléchiss­ant sans doute le cours de l’histoire. Coïncidenc­e, dans son agression contre l’Ukraine, Vladimir Poutine reçut également l’appui du patriarche Cyrille de Moscou, le « pape » de l’Église russe orthodoxe.

Lord Durham, nommé gouverneur général à la fin de la rébellion, déclara dans un discours célèbre «que les Canadiens français constituai­ent un peuple inférieur, sans histoire et sans littératur­e». Coïncidenc­e encore, ces propos ressemblen­t fort à ceux qu’a tenus Poutine le 22 février lorsqu’il a déclaré que « l’Ukraine n’est ni un pays ni un État et que le peuple ukrainien n’existe pas » !

Voilà les réflexions troublante­s que m’a inspirées la dernière Journée nationale des patriotes.

Je trouve incroyable que vous ayez publié dans Le Journal une lettre contenant autant d’inepties que celle récemment signée par une dame de 81 ans. « Un ramassis de sottises désespéran­tes », c’est ce qui décrit le mieux les propos de cette femme qui vante les mérites de la fille-mère qu’était la Vierge Marie.

Expliquez-moi pourquoi son fils Jésus aurait besoin de sa mère pour enlever la misère qui pèse sur le genre humain ? Il est capable de faire ça lui-même. On en a marre de la religion chrétienne, si vous voulez savoir.

J’ai 76 ans, je suis athée depuis l’âge de 14 ans et je m’en porte très bien. Depuis quand une prière écrite pour laver le cerveau des gens crédules devrait-elle être reproduite dans un journal ?

Freud a dit que la religion, c’est la maladie mentale de l’humanité, une sorte de dérivé de la névrose obsessionn­elle.

Le premier miracle du Christ a été de faire tourner l’eau en vin aux noces de Cana. Qui a encore soif quand le vin manque dans une réception par exemple ? Ceux qu’on appelait péjorative­ment les ivrognes. Entre vous et moi, quelle sagesse cela dénote de la part d’un Sauveur que de faire du vin pour étancher la soif de ceux qui ont un problème d’alcool ? J’en pleure d’émotion !

Si on lit les diverses mythologie­s, on apprend que les dieux aimaient bien baiser avec des mortelles et faire des enfants avec elles. Comment ne pas comprendre alors que la naissance du Christ relève aussi de la mythologie ? Les bouffons de curés ont fait assez de mal, n’est-il pas venu le temps de les ridiculise­r ?

Anonyme

Votre mot est un tel ramassis de jugements à l’emporte-pièce que j’ai hésité à croire à votre sincérité. Mais au moment d’écarter votre mot tant je le trouvais désespéran­t, je me suis ravisée. D’abord je vous dirai qu’un peu plus de respect pour la vision des gens qui ne pensent pas comme vous ne vous ferait pas de tort. À cet égard, je vous rappelle qu’une énorme partie de la population mondiale trouve du réconfort dans la pratique de l’une ou l’autre des religions qui sont pratiquées de par le monde. Tout comme d’autres vont chercher le même réconfort dans le sport, le yoga, la méditation, etc.

Je ne suis ni croyante ni pratiquant­e, mais je considère de mon devoir est de publier d’autres sons de cloche que le mien quand je sens qu’une suggestion issue d’une autre allégeance que la mienne pourrait aider des lecteurs et des lectrices à mieux vivre leur quotidien. Ainsi en était-il de la prière que me suggérait cette personne.

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