La loi 21 fait des petits…
Qui eût cru que la loi 21 deviendrait une source d’inspiration en plein coeur du multiculturalisme canadien ?
Qui eût cru que le Québec, si critiqué pour avoir bafoué le droit de ses minorités en imposant la laïcité, servirait d’exemple à Toronto !
Loin de s’en réjouir, le gouvernement Legault devrait s’en inquiéter.
Il se retrouve indirectement au coeur d’un bras de fer épique entre l’Ontario, un de ses gros syndicats et le gouvernement fédéral. Et Ottawa est ainsi plus convaincu que jamais du bien-fondé de la bataille qu’il prépare contre la loi 21 devant la Cour suprême.
BATAILLE SYNDICALE
Le litige est classique. Le syndicat, qui représente 55 000 travailleurs de soutien dans les écoles d’Ontario, maintient la ligne dure dans ses négos avec la province.
C’est lorsqu’une première journée de grève prévue vendredi a été annoncée que Doug Ford a décidé de s’inspirer de son bon ami François Legault.
Non seulement son gouvernement tente-t-il de légiférer sur un nouveau contrat de travail AVANT vendredi, il y a inséré la fameuse clause nonobstant.
Après tout, si le Québec peut utiliser la clause dérogatoire pour protéger sa loi 21 contre les recours devant les tribunaux, pourquoi ne pas faire la même chose pour casser un syndicat ?
On s’entend, la comparaison est boiteuse, les enjeux ne sont pas les mêmes.
Dans un cas, on invoque la clause exceptionnelle pour consacrer le droit du Québec de définir les termes de ses valeurs fondamentales comme société. Dans l’autre, on l’invoque pour régler un problème ponctuel de relations de travail. Dans un cas, on parle de droits individuels, dans l’autre, des droits collectifs d’employés syndiqués.
Et pourtant, le mal est fait. Doug Ford vient de donner un argument en or aux pourfendeurs de la loi 21.
LEVÉE DE BOUCLIERS
Justin Trudeau était trop heureux de s’arrêter devant les caméras lors de la réunion de son Conseil des ministres, indigné qu’un gouvernement s’attaque à des droits fondamentaux « à la légère ». « L’idée de supprimer ou de suspendre ces droits fondamentaux, ça devient de plus en plus courant dans différents gouvernements, puis ça me préoccupe beaucoup. »
Car sans le savoir, le premier ministre de l’Ontario vient de donner raison au gouvernement fédéral dans son affrontement contre le gouvernement Legault.
Voulant éviter de trop payer le prix politique de son opposition aux lois 21 et 96, le gouvernement Trudeau se réfugie derrière un argumentaire juridique pour justifier son intervention. C’est l’usage de la clause dérogatoire de manière préventive qui pose problème.
Selon le ministre de la Justice, David Lametti, en érigeant un bouclier autour de la loi, Québec porte atteinte au contrôle judiciaire, le droit essentiellement des tribunaux de porter un regard sur des enjeux constitutionnels.
Jusqu’ici, Ottawa semblait prêcher dans le désert en plaidant qu’il s’agissait là d’un précédent dangereux.
Doug Ford dans sa croisade antisyndicale vient de leur donner raison. Sauf que le premier à en faire les frais sera le Québec.