Le Journal de Montreal

Simons va au-delà des tabous en abordant le thème de la mort

- VALÉRIE LESAGE

« JE VEUX CROIRE QUE C’EST UN CATALYSEUR POUR LA GÉNÉROSITÉ,

UN MOUVEMENT VERS UNE RECONNEXIO­N HUMAINE »

– Peter Simons, chef marchand de la Maison Simons

L’initiative Tout est beauté ne fait pas l’unanimité, car plusieurs accusent l’entreprise d’exploiter le décès d’une jeune femme à des fins commercial­es

La Maison Simons a joué d’audace et envoyé à ses clients le week-end du 30 octobre, via son infolettre, une vidéo racontant l’histoire de Jennyfer, une jeune femme qui a reçu l’aide médicale à mourir quelques jours plus tôt.

Pour Peter Simons, ce « projet spécial » vise à célébrer la beauté à travers les épreuves de la vie, mais quelques voix au Canada anglais dénoncent l’exploitati­on de la mort pour le commerce.

« Le monde ne tourne pas autour du commerce. Ultimement, il tourne autour des relations et de notre habileté à se tenir en communauté avec un sens des responsabi­lités pour les autres », a expliqué Peter Simons en entrevue au Journal.

Celui qui a cédé la présidence de Simons en mars admet être blessé par les quelques commentair­es virulents reçus au sujet de cette initiative, bien qu’il anticipait ne pas faire l’unanimité.

« Y a-t-il beauté et créativité sans courage ? Je le dis avec humilité, mais je crois que non. Sans le courage, il y a juste une continuité de ce qui est. Ce n’est pas assez pour nous », dit-il, en précisant qu’il voulait créer du sens, aller au-delà des reels sur Instagram et TikTok.

LE SENS DE LA VIE

La vidéo de trois minutes, accompagné­e d’un message explicatif signé par Peter Simons, s’ouvre dans une chambre d’hôpital vide. On entend la voix d’une femme dire que parfois, c’est devant la mort que la vie prend tout son sens. Ensuite, on découvre Jennyfer, une musicienne de 37 ans qui trace des cercles dans le sable. Puis, on plonge dans la nature, dans ses désirs, ses amitiés, la beauté de sa vie.

Pour le média marketing The Message, « la tendance actuelle des marques à prendre position sur des enjeux sociaux est portée à un nouveau niveau » avec la campagne Tout est beauté.

Le professeur de communicat­ion à l’Université d’Ottawa Luc Dupont observe que les jeunes consommate­urs veulent avoir le sentiment d’apporter leur contributi­on sur le plan social et humain, alors les marques en tiennent compte.

Pour lui, le message de Simons est livré avec sincérité, dans une zone qui n’est pas tout à fait dans la publicité, dont les codes rendent la mort taboue.

« On est dans la responsabi­lité sociale. On n’est pas loin des relations publiques. Mais on est à deux coins de rue de Noël, je suis obligé de vous le dire », souligne M. Dupont, qui fait un parallèle avec Benetton dans les années 1990, qui avait montré les derniers moments en famille d’un homme atteint du SIDA.

Peter Simons a rencontré Jennyfer à Vancouver, après avoir contacté différente­s organisati­ons en vue de trouver une personne inspirante qui s’associerai­t à une campagne sous le thème de la beauté.

La résilience de la jeune femme l’a marqué. Et bien que le choix de réclamer l’aide médicale à mourir soit encore controvers­é, l’accent de la vidéo est sur la vie, dit-il, pas sur le choix.

« J’ai besoin de dire que si on voit de la beauté, on a de la gratitude et si on a de la gratitude, on a de l’espoir et de la générosité. Si on se sent chanceux, on a envie de s’occuper de l’autre. Pas juste de ma mère et de mes enfants que j’aime inconditio­nnellement, mais d’autrui, des personnes que je ne connais pas. Je veux croire que c’est un catalyseur pour la générosité et un mouvement vers une reconnexio­n humaine », s’est confié l’homme d’affaires, qui s’est offert la liberté d’aborder un sujet délicat.

LE SOUVENIR DE SON PÈRE

La pandémie a provoqué beaucoup d’isolement, un sentiment de fragilité aussi. Dans ce contexte, produire quelque chose de beau, avec l’intention d’apporter sa contributi­on, apparaissa­it important aux yeux de M. Simons. Il reconnaît cependant que c’est une histoire difficile.

Pour créer le projet avec son équipe, Peter Simons dit s’être rappelé un conseil de son père.

« Vois ce qui est dans ton coeur et s’il est à la bonne place, il faut que tu fonces parce qu’il y aura toujours du monde qui doute et tu ne feras jamais rien de ta vie sans courage. »

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 ?? POULIN ET CAPTURES D’ÉCRAN TIRÉES DE L’INFOLETTRE DE LA MAISON SIMONS PHOTO D’ARCHIVES, PIERREPAUL ?? La campagne Tout est beauté, c’est bien plus que simplement de la pub, soutient Peter Simons, ancien PDG de Simons. Par conséquent, malgré les critiques, il ne regrette pas d’avoir abordé le thème de l’aide médicale à mourir à travers le récit de Jennyfer. Il n’y a pas que le commerce en ce monde, martèle celui qui est désormais chef marchand de l’entreprise.
POULIN ET CAPTURES D’ÉCRAN TIRÉES DE L’INFOLETTRE DE LA MAISON SIMONS PHOTO D’ARCHIVES, PIERREPAUL La campagne Tout est beauté, c’est bien plus que simplement de la pub, soutient Peter Simons, ancien PDG de Simons. Par conséquent, malgré les critiques, il ne regrette pas d’avoir abordé le thème de l’aide médicale à mourir à travers le récit de Jennyfer. Il n’y a pas que le commerce en ce monde, martèle celui qui est désormais chef marchand de l’entreprise.
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LUC DUPONT Professeur de communicat­ion

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