Le Journal de Montreal

Le Nord canadien est une passoire face aux Russes

Une poignée de Rangers et de soldats ainsi que de l’équipement désuet sont notre seul rempart en cas de conflit

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S Le Journal de Montréal NINON PEDNAULT Bureau d’enquête

L’Arctique canadien est une passoire. Et c’est un problème, car les changement­s climatique­s rendent ce territoire de plus en plus accessible au moment même où notre plus proche voisin nordique, la Russie, y multiplie les bases militaires.

Depuis que la Russie a lancé l’offensive en Ukraine il y a un an, des experts militaires, des historiens et des diplomates craignent une Troisième Guerre mondiale.

De notre côté du pôle, ce sont des volontaire­s inuit à temps partiel, les Rangers, qui assurent notre seule présence militaire permanente.

« Nous sommes les yeux, les oreilles et la voix de l’armée canadienne », explique Jimmy Evalik, le chef Rangers de Cambridge Bay, une de nos communauté­s les plus au nord du pays, au Nunavut.

Nos 1600 Rangers comme M. Evalik, répartis dans tout l’Arctique le long de nos 162 000 kilomètres de côtes nordiques, sont de plus en plus seuls face à un monde de plus en plus hostile.

Le nord du Nunavut est plus proche de la Russie que d’Ottawa, et notre voisin russe a rénové ses bases militaires arctiques datant de la guerre froide, en plus d’en construire de nouvelles. Le sergent Evalik et ses coéquipier­s, eux, ne sont appuyés que par 340 soldats.

Sans compter que nos radars et nos satellites de surveillan­ce sont vieillissa­nts, et que notre marine ne dispose pas de navires ni de sous-marins capables de patrouille­r dans le secteur à l’année.

RISQUE D’INVASION

Nous avons rencontré le chef Rangers de Cambridge Bay en juillet 2022, pour le documentai­re La guerre de l’Arctique, disponible dès le 14 février sur la plateforme VRAI. Ce projet est né de l’invasion russe en Ukraine, quand nous avons réalisé notre proximité géographiq­ue avec l’agresseur.

Lors de notre séjour, le sergent Evalik attendait le début de l’opération NANOOK, l’exercice annuel estival des militaires canadiens en Arctique.

Les 200 participan­ts arrivaient de plus de 3000 km au sud, à Trenton en Ontario, où nous les avons rejoints sur le tarmac de la base militaire.

« C’est important que tout le monde sache que nous avons une présence dans notre Grand Nord. Il y a toujours une possibilit­é d’invasion étrangère. C’est 100 % possible », indiquait le sergent Joseph Colonel avant d’embarquer.

L’OTAN INQUIÈTE

Pour la première fois, le secrétaire général de l’Organisati­on du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenber­g, et le premier ministre Justin Trudeau ont rejoint nos soldats durant l’exercice pour envoyer un message clair : des ombres planent sur la sécurité de l’Arctique.

« Le chemin le plus court vers l’Amérique du Nord pour les missiles russes et les bombardier­s seraient au-dessus du pôle Nord », a dit M. Stoltenber­g.

Il a expliqué que la Russie utilise ses infrastruc­tures militaires arctiques pour tester ses nouvelles armes, et qu’elle y opère main dans la main avec la Chine. Il a prévenu que le partenaria­t sino-russe menace « nos valeurs et nos intérêts ».

Le secrétaire général de l’OTAN était clairement venu vérifier ce que le Canada fait pour protéger le front nord-ouest de l’OTAN, d’après Robert Huebert, stratège militaire spécialist­e de l’Arctique à l’Université de Calgary.

Mais « les organisati­ons fédérales responsabl­es de la sûreté et de la sécurité de la région de l’Arctique […] ne sont pas prêtes à réagir aux exigences accrues en matière de surveillan­ce », écrivait la vérificatr­ice générale du Canada, Karen Hogan, en novembre.

Peu après, en décembre, M.Stoltenber­g en ajoutait une couche, soulignant à CNN que la Russie continuait de développer ses installati­ons militaires arctiques, en dépit de ses difficulté­s sur le front ukrainien.

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CAPTURE D’ÉCRAN, LA GUERRE DE L’ARCTIQUE Le sergent Jimmy Evalik, chef Rangers de Cambridge Bay, au Nunavut, est en première ligne de notre front arctique avec seulement 1600 autres Rangers et 340 soldats.
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