Un pays brisé et un gouvernement brisé
Un sondage Léger confirmait que 67 % des Canadiens croient que leur pays est brisé.
Sentez-vous, vous aussi, la fin d’un règne politique à Ottawa ?
Sentez-vous que le gouvernement Trudeau a peut-être passé sa date de péremption ? Que c’était « meilleur avant » ?
D’abord, l’impression d’un pays brisé – le nouveau mojo de Pierre Poilievre – s’imprime tranquillement dans les esprits.
Le Canada est brisé, titrait le National Post il y a quelques jours.
Preuve à l’appui : un sondage Léger confirmait que 67 % des Canadiens croient que leur pays est brisé. Brisé, ce n’est pas exagéré, diriez-vous ? Peut-être, si on se compare à notre voisin du Sud. Mais le ressenti généralisé demeure.
Historiquement, la colère canadienne s’incarnait par le travailleur conservateur de l’Ouest, nostalgique d’un passé glorieux, et par les nationalistes québécois, canaris dans la mine canadienne.
C’est là que ce sondage devient intéressant. Les raisins de la colère canadienne changent.
Ce sont d’abord les femmes plus que les hommes, les jeunes plus que les plus âgés et les travailleurs de partout au pays qui perdent foi au Canada.
Loin des élites urbaines, l’humeur canadienne est maussade.
Quelque chose cloche au pays ces temps-ci, pensent les Canadiens.
PANNE D’ESPOIR
En 2015, la grande force du gouvernement Trudeau était sa capacité à insuffler de l’espoir. En Justin Trudeau, on voyait la modernité, le symbole du Canada renouvelé, une continuité du père fondateur. Un Canada’s back.
Des réformes se concrétisaient, dont l’allocation canadienne pour enfants, un grand succès pour sortir plus d’un million de Canadiens de la pauvreté. Changer la vie, disait-on.
Une autre époque. Comme Joe Dassin le fredonnait, on a l’impression que ça fait un an, un siècle, une éternité.
Ce gouvernement est aujourd’hui en lambeau. Empêtré, robotisé, à la manoeuvre avec le pouvoir comme unique horizon.
Les épisodes de la crise des passeports et dans les aéroports en témoignent.
Le va-et-vient sur les armes à feu, aussi. La nomination lunaire d’Amira Elgawhaby, incompréhensible.
La politique étrangère, sans direction claire.
Tout ça, alors que ce gouvernement multiplie les programmes de dépenses, élargit la fonction publique et le nombre de fonctionnaires, et consulte, à coup de milliards, les McKinsey de ce monde.
Le comble, c’est que lorsque vient le temps d’aider les systèmes de santé des provinces – retourner sur terre et aider le citoyen –, le fédéral devient pingre et sert l’excuse du contexte économique. Tout à coup, on est regardant sur la dépense.
PAGAILLE
Un règne finit souvent dans l’indiscipline, les trahisons internes. En contrôle perdu sur son gouvernement.
Les premiers germes d’un leadership affaibli sont récemment sortis de terre.
Pablo Rodriguez et David Lametti ont tous éprouvé leur malaise quant à la nomination d’Amira Elghawaby, pendant que le PM Trudeau célébrait sa « sensibilité » et sa « rigueur ».
Et maintenant, le gâchis sur la réforme de la Loi sur les langues officielles. Le triste trio de députés fédéraux de l’ouest de Montréal, moqueurs des droits des francophones, en croisade contre leur propre gouvernement et contre les lois linguistiques québécoises, est d’un ridicule.
C’est l’autorité du PM, dans les limbes et incapable de trancher, qui est ébranlée.
Après sept ans au pouvoir, on a peutêtre atteint la limite de la politique des bons sentiments et de l’image.