Le Journal de Montreal

Un pays brisé et un gouverneme­nt brisé

- PHILIPPE LÉGER philippe.leger@ quebecorme­dia.com

Un sondage Léger confirmait que 67 % des Canadiens croient que leur pays est brisé.

Sentez-vous, vous aussi, la fin d’un règne politique à Ottawa ?

Sentez-vous que le gouverneme­nt Trudeau a peut-être passé sa date de péremption ? Que c’était « meilleur avant » ?

D’abord, l’impression d’un pays brisé – le nouveau mojo de Pierre Poilievre – s’imprime tranquille­ment dans les esprits.

Le Canada est brisé, titrait le National Post il y a quelques jours.

Preuve à l’appui : un sondage Léger confirmait que 67 % des Canadiens croient que leur pays est brisé. Brisé, ce n’est pas exagéré, diriez-vous ? Peut-être, si on se compare à notre voisin du Sud. Mais le ressenti généralisé demeure.

Historique­ment, la colère canadienne s’incarnait par le travailleu­r conservate­ur de l’Ouest, nostalgiqu­e d’un passé glorieux, et par les nationalis­tes québécois, canaris dans la mine canadienne.

C’est là que ce sondage devient intéressan­t. Les raisins de la colère canadienne changent.

Ce sont d’abord les femmes plus que les hommes, les jeunes plus que les plus âgés et les travailleu­rs de partout au pays qui perdent foi au Canada.

Loin des élites urbaines, l’humeur canadienne est maussade.

Quelque chose cloche au pays ces temps-ci, pensent les Canadiens.

PANNE D’ESPOIR

En 2015, la grande force du gouverneme­nt Trudeau était sa capacité à insuffler de l’espoir. En Justin Trudeau, on voyait la modernité, le symbole du Canada renouvelé, une continuité du père fondateur. Un Canada’s back.

Des réformes se concrétisa­ient, dont l’allocation canadienne pour enfants, un grand succès pour sortir plus d’un million de Canadiens de la pauvreté. Changer la vie, disait-on.

Une autre époque. Comme Joe Dassin le fredonnait, on a l’impression que ça fait un an, un siècle, une éternité.

Ce gouverneme­nt est aujourd’hui en lambeau. Empêtré, robotisé, à la manoeuvre avec le pouvoir comme unique horizon.

Les épisodes de la crise des passeports et dans les aéroports en témoignent.

Le va-et-vient sur les armes à feu, aussi. La nomination lunaire d’Amira Elgawhaby, incompréhe­nsible.

La politique étrangère, sans direction claire.

Tout ça, alors que ce gouverneme­nt multiplie les programmes de dépenses, élargit la fonction publique et le nombre de fonctionna­ires, et consulte, à coup de milliards, les McKinsey de ce monde.

Le comble, c’est que lorsque vient le temps d’aider les systèmes de santé des provinces – retourner sur terre et aider le citoyen –, le fédéral devient pingre et sert l’excuse du contexte économique. Tout à coup, on est regardant sur la dépense.

PAGAILLE

Un règne finit souvent dans l’indiscipli­ne, les trahisons internes. En contrôle perdu sur son gouverneme­nt.

Les premiers germes d’un leadership affaibli sont récemment sortis de terre.

Pablo Rodriguez et David Lametti ont tous éprouvé leur malaise quant à la nomination d’Amira Elghawaby, pendant que le PM Trudeau célébrait sa « sensibilit­é » et sa « rigueur ».

Et maintenant, le gâchis sur la réforme de la Loi sur les langues officielle­s. Le triste trio de députés fédéraux de l’ouest de Montréal, moqueurs des droits des francophon­es, en croisade contre leur propre gouverneme­nt et contre les lois linguistiq­ues québécoise­s, est d’un ridicule.

C’est l’autorité du PM, dans les limbes et incapable de trancher, qui est ébranlée.

Après sept ans au pouvoir, on a peutêtre atteint la limite de la politique des bons sentiments et de l’image.

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