Le réchauffement nous menace
Le rempart naturel du Canada contre de possibles envahisseurs, la glace, disparaît à grande vitesse
L’Arctique se réchauffe deux à trois fois plus vite que le reste de la Terre, au point que notre rempart naturel, la glace, se liquéfie. Chaque été laisse notre frontière nordique un peu plus accessible.
« Quand j’étais petite, nous étions nomades tout l’hiver et le printemps. Il faisait beaucoup plus froid qu’aujourd’hui. Maintenant, on dirait que le soleil est beaucoup plus près, il fait beaucoup plus chaud », explique Annie Atighioyak, une aînée de Cambridge Bay, née dans un igloo avant que les Inuits soient forcés de se sédentariser.
Peu avant notre rencontre, en juillet 2022, il a fait si chaud que des orages ont traversé la région. Du jamais-vu pour la plupart des résidents.
La Défense canadienne n’est pas aveugle à ce phénomène, bien au contraire. Elle considère désormais les changements climatiques comme un « multiplicateur de menaces ».
Marc Lanteigne, professeur associé à l’Université Arctique de la Norvège, confirme : le réchauffement est de loin la plus grande menace qui pèse sur la région, car il est extrêmement rapide et entraîne une cascade de menaces dans son sillage.
COURSE AUX RESSOURCES
« Si on se projette dans 15 ou 20 ans, quand il y aura beaucoup moins de glace en été au pôle Nord, ça permettra à la Russie de déployer plus de vaisseaux au centre de l’Arctique », dit le Canadien installé à Tromsø, dans l’Arctique norvégien.
Et la Russie n’est pas la seule. À Cambridge Bay, nous avons même rencontré des scientifiques coréens, qui y mènent des recherches depuis des années, dans le but avoué non seulement de mieux comprendre le climat, mais aussi de renforcer les liens diplomatiques avec notre pays riche en ressources naturelles.
L’Arctique contiendrait 13 % des réserves mondiales non découvertes de pétrole et 30 % de celles de gaz naturel.
On y trouve aussi des minéraux stratégiques essentiels pour produire des appareils mobiles, des véhicules électriques et des armes.
PASSAGE DU NORD-OUEST
« Je crains que si nous avons moins de glace, d’autres pays utilisent le passage du Nord-Ouest comme route de transit. C’est une inquiétude pour moi, parce que c’est une menace pour notre environnement », indique Clara Evalik, vice-présidente de l’Association inuit Kitikmeot.
Le passage du Nord-Ouest, au milieu de l’archipel arctique canadien, est un sujet très sensible à Ottawa.
Le Canada considère que c’est une mer intérieure et qu’il peut donc y contrôler les allées et venues. Mais nos alliés, en particulier les États-Unis, ne sont pas d’accord et y voient un détroit international.
Autrefois protégé par la banquise, ce passage est désormais ouvert à la navigation quelques semaines chaque été.
Il est très alléchant, car il constitue une route maritime entre l’Asie et la côte est de l’Amérique du Nord 7000 km moins longue que celle empruntant le canal de Panama.
Mais une marée noire y aurait des conséquences catastrophiques sur les écosystèmes fragiles de l’Arctique et une opération de sauvetage et de nettoyage y serait extrêmement coûteuse et périlleuse, voire impossible.
Le Canada n’aurait en fait pas les capacités d’y intervenir rapidement, n’y disposant d’aucun port.