Le Journal de Montreal

Santé, une taupe chez les provinces ?

- EMMANUELLE LATRAVERSE Analyste politique

Le front commun des provinces a toujours été bien relatif.

C’est normal, il repose sur 13 premiers ministres qui défendent chacun les intérêts de leur province et territoire, chacun porté par une culture, des défis qui lui sont propres.

Mais ce front commun a toujours reposé sur une chose essentiell­e, la confiance. À vrai dire, le front commun reposait sur l’idée qu’en public, ils trouvaient une façon d’être d’accord et qu’en privé, ils se disaient la vérité.

Finalement, un front commun des provinces, c’est comme une chaîne. Il n’est jamais plus fort que son maillon le plus faible. Ce que personne n’avait imaginé, c’est que ce maillon faible serait l’Ontario.

LE CIGARE

Initialeme­nt rapporté par le Toronto Star, le cigare qu’a fumé le premier ministre de l’Ontario sur la véranda du ministre fédéral des Affaires intergouve­rnementale­s, cet été, au Nouveau-Brunswick a déjà beaucoup fait jaser.

Doug Ford et Dominic LeBlanc par un beau soir d’août, pour quiconque connaît le dernier, facile d’imaginer l’opération charme, surtout sur la question des conditions.

Il faut dire que le café de Justin Trudeau avec François Legault dans le Vieux-Montréal aurait aussi fait son oeuvre. Qui n’a pas remarqué le ton plus conciliant de notre premier ministre au lendemain de ce tête-à-tête ? Or, elle est là la différence. Tout le monde savait que les deux s’étaient rencontrés.

Dans le cas de Doug Ford, ses homologues des provinces l’ont appris en lisant le Toronto Star, mercredi matin !

Pire, de source bien informée, en plein milieu de la rencontre avec Justin Trudeau, sa ministre des Finances, Chrystia Freeland, aurait remercié le même Doug

Ford pour une conversati­on fort constructi­ve la semaine précédente !

L’importance de garantir le financemen­t sur une longue période, l’enjeu des conditions y auraient été abordés.

Or, ça non plus le premier ministre de l’Ontario n’en avait pas glissé un mot à ses collègues, même s’il venait de passer 24 heures avec eux.

L’ARME SECRÈTE

De dire qu’un ange passa dans la pièce à ce moment-là est un euphémisme.

Mais il était trop tard. L’argent était sur la table. Ottawa ne bonifierai­t pas vraiment son offre.

L’heure n’était pas à la guerre civile. Il fallait sauver la face.

Les provinces se sont donc engagées à faire leurs calculs, à réfléchir et à refaire le point ensemble avant de négocier respective­ment avec Ottawa.

Sauf que Doug Ford a décidé de négocier avant les autres avec Ottawa, jeudi. Une entente serait à portée de main, dit-il !

Que reste-t-il du front commun ? Pas grand-chose, si ce n’est que tous ont compris, trop tard, que Doug Ford préfère sa relation privilégié­e avec Chrystia Freeland à sa loyauté à leur égard. À terme, elle lui est bien plus lucrative politiquem­ent.

D’ailleurs, alors que les provinces digéraient la pilule vendredi, il était aux côtés de la vice-première ministre pour annoncer des millions dans la filière batterie.

Dire que François Legault croyait voir en lui un allié !

Comme quoi en politique, des chums, ça n’existe pas. Il n’y a que les intérêts.

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Ce que personne n’avait imaginé, c’est que ce maillon faible serait l’Ontario.
Doug Ford, premier ministre de l’Ontario Ce que personne n’avait imaginé, c’est que ce maillon faible serait l’Ontario.
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