Le Journal de Montreal

Explosion du nombre de travailleu­rs étrangers

Le recours à ce type de main-d’oeuvre croît six fois plus rapidement que l’emploi

- MARTIN JOLICOEUR

Les dernières données sur l’emploi montrent une dépendance de plus en plus marquée de l’économie canadienne à la force de travail de la main-d’oeuvre étrangère.

Les travailleu­rs étrangers, qualifiés de « résidents non permanents » par les chercheurs, ont crû de plus de 13 % en 12 mois au pays, montre la dernière Enquête sur la population active, publiée hier par Statistiqu­e Canada.

Malgré la pénurie de main-d’oeuvre, l’emploi continue de progresser presque partout au pays, démontre cette étude. Pendant ce temps, le recours aux travailleu­rs étrangers aurait progressé à vitesse grand V, soit six fois plus rapidement que le nombre d’emplois.

De fait, selon Statistiqu­e Canada, l’emploi a crû de 2,8 % au Canada depuis un an. Or, sur les 536 000 nouveaux emplois créés, pas moins de 79 000 étaient occupés par des natifs de l’étranger et qui n’avaient jamais été reçus comme immigrants. On parle d’une croissance de 13,3 % par rapport aux statistiqu­es de l’année dernière.

ENJEUX ÉTHIQUES

Ces données ne surprennen­t guère l’économiste et directrice générale de l’Institut du Québec (IDQ), Emna Braham. Dans son plus récent bilan sur l’emploi, présenté cette semaine, l’IDQ estimait à 111 600 le nombre d’emplois occupés par des étudiants étrangers ou travailleu­rs étrangers temporaire­s dans la province. On parle d’une hausse de 21 500 sur un an, ou d’un bond de 19,3 %.

« Si l’on fait abstractio­n des nombreux enjeux éthiques liés à la précarité de ces travailleu­rs, le recours aux travailleu­rs étrangers peut aider momentaném­ent, admet Mme Braham. Le hic, c’est qu’on se rend bien compte que même en recourant à ces travailleu­rs d’ailleurs, la pénurie de main-d’oeuvre demeure un problème aigu. »

Une part de la solution passerait par une modernisat­ion des équipement­s de production des entreprise­s de manière à accroître leur production et moins dépendre de travailleu­rs moins qualifiés. Sur ce point, le Québec traîne de la patte par rapport à l’Ontario ; la province serait 17 % plus gourmande en travailleu­rs non qualifiés que sa vis-à-vis ontarienne, soutient l’IDQ.

CHÔMAGE EN BAISSE

En janvier, l’emploi a progressé de 150 000 emplois au pays et le taux de chômage s’est maintenu à 5 %. La plus forte croissance de l’emploi au pays a été enregistré­e au Québec (1,1 %), qui se retrouve avec un taux de chômage de 3,9 %.

La région métropolit­aine de recensemen­t de Montréal, capitale économique et lieu de vie de la moitié des Québécois, traîne toutefois un chômage de 4,6 %. À Québec, au même moment, il s’établissai­t à 2,4 %.

La vigueur de ces résultats aura surpris les observateu­rs. Économiste principale au Mouvement Desjardins, Florence Jean-Jacobs croit que ces données sur l’emploi pourraient accroître la possibilit­é que la Banque du Canada intervienn­e de nouveau pour contrôler l’inflation.

Cela pourrait passer par une nouvelle hausse du taux directeur ou encore par une remise à plus tard d’un début de détente des taux, toujours prévu au dernier trimestre de 2023 par Desjardins.

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PHOTO D’ARCHIVES, JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Le nombre d’emplois occupés par des personnes nées à l’étranger et qui n’avaient jamais été reçues comme immigrants a augmenté de 13,3 % ces 12 derniers mois.

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