L’itinérance gagne les villes de l’Est
Le phénomène se répand à Rimouski, Matane, Gaspé et Saint-Georges, où des élus réclament de l’aide
RIMOUSKI | Campements à Rimouski et à Saint-Georges, demandes d’hébergement quintuplées à Matane, refuges débordés : l’itinérance gagne les villes des régions. Des élus réclament des mesures concrètes de la part de Québec avant l’arrivée de l’hiver.
Au parc de la Gare, à Rimouski, des tentes sont installées sous les chapiteaux de bois du marché public. Une dizaine de personnes y dorment chaque soir, faute de logement.
« C’est catastrophique, la situation ! » se désole le coordonnateur d’Action populaire Rimouski-Neigette, Michel Dubé, qui oeuvre auprès des personnes démunies. « Le froid s’en vient et il est temps que des mesures soient prises. »
Le centre de dépannage Le Répit du passant est complet et peine à répondre à la demande.
« Le portrait de l’itinérance est en train de changer, note son directeur général, Martin Bélanger. J’ai vu des gens squatter le parc qui avaient un emploi, mais qui n’étaient pas en mesure de se trouver un logement. »
DANS LA RUE À 70 ANS
Le Journal a rencontré un homme de 70 ans, originaire de Québec, qui campe depuis un mois à Rimouski après avoir « tout perdu » lorsqu’il s’est fait cambrioler son appartement, raconte-t-il.
« Je veux que tu insistes dans ton journal : la pauvreté, elle existe aussi à Rimouski », lance celui qui se présente simplement comme M. Boudreau.
Le retraité qui se dit statisticien de formation a aussi perdu son supplément de revenu garanti de 700 $ par mois « après une petite erreur sur son formulaire ».
Il espère se rendre aux îles de la Madeleine, où un hébergement l’attend, mais il est coincé à Rimouski tant que sa situation ne sera pas normalisée auprès du gouvernement.
À Matane, le comité Action-Logement de l’Est affirme que les demandes d’hébergement d’urgence dans la région ont quintuplé en un an, passant de 50 à 250.
« On peut directement imputer l’inflation actuelle, la crise provoquée par la vétusté des bâtiments », selon le coordonnateur Sylvain Dubé.
« Même le travailleur au salaire moyen est en train de sombrer, plus rapidement qu’escompté, vers une situation de vulnérabilité. »
Contrairement à ce qu’on observe à Rimouski, l’itinérance se veut plus discrète dans la région de Matane : les gens dorment de sofa en sofa chez de la famille ou des amis.
Mais à Saint-Georges, en Beauce, les personnes sansabri se font plus visibles.
« C’est la première année qu’on voit autant de gens dormir dans la rue », raconte Émilie Vachon, de l’organisme Au Bercail.
« On avait souvent une ou deux personnes qui dormaient dans leur tente […], mais cet été, on en a vu plusieurs, parfois plus d’une dizaine en même temps. »
PROBLÈME DE « LANÇAGE DE BALLE »
Ces derniers jours, des maires ont vivement critiqué le gouvernement pour le manque de ressources afin de gérer cette problématique, à la suite du cri du coeur de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, qui a dévoilé qu’une itinérante de 18 ans aurait accouché seule dans un boisé cet été.
Le maire de Rimouski, Guy Caron, abonde dans le même sens : Québec doit en faire plus.
« Il y a une responsabilité claire de la part du gouvernement du Québec de fournir des ressources », martèle-t-il, évoquant les services d’aide en toxicomanie ou en santé mentale par exemple.
« Il y a un manque de leadership », ajoute le maire.
À Gaspé, où l’itinérance cachée gagne aussi du terrain, le maire Daniel Côté espère plus d’actions concrètes de la part de Québec.
« Il y a un problème de lançage de balle, c’est clair ! » laisse-t-il tomber. « Ultimement, c’est un dossier qui doit relever du ministère de la Santé ou de l’Habitation. »
Les deux élus fondent beaucoup d’espoir sur le sommet sur l’itinérance qu’organisera l’Union des municipalités du Québec vendredi. Ils y espèrent une oreille attentive du gouvernement Legault.