Pierre Poilievre se magasine du trouble
Pierre Poilievre fait le pari qu’il n’a pas besoin des professions de foi nationalistes de ses prédécesseurs pour gagner la faveur des Québécois.
Son épouse, Anaida, est québécoise, son père est d’origine canadienne-française, il comprend le Québec, ça suffit. Pour preuve, il a cité Mes Aïeux et admire notre défense farouche de notre langue et culture.
Si seulement c’était si simple.
À la recherche de solutions simples à des problèmes ultracomplexes, Pierre Poilievre fait la même erreur que ses adversaires des autres partis fédéraux. Infrastructures, santé, il saute à pieds joints dans les compétences du Québec.
Comme quoi le gros bon sens a ses limites.
VITE, VITE, VITE
Certes, à Québec on est bien content de l’entendre promettre qu’il mettrait fin au dédoublement des évaluations environnementales. Bonne nouvelle pour les futurs barrages dont rêve François Legault.
Construire, construire, construire ! Un beau slogan qui atterrit dans les plates-bandes de Québec.
Les fonds en infrastructures municipales deviendraient conditionnels à une hausse de 15 % de la construction de logements dans les villes.
Et ça ne s’arrête pas là. Le chef conservateur veut lier le financement de tout nouveau projet de transport en commun avec la construction à proximité de logements abordables.
C’est certain que c’est logique à Singapour, c’est probable que ça passerait à Regina, mais au Québec ?
Pierre Poilievre a-t-il oublié que
« les villes sont des créatures des provinces » ?
Parions que François Legault le lui rappellera rapidement, et ce, même s’il partage son agacement envers la lourdeur bureaucratique municipale.
Gros bon sens ou pas, un gouvernement Poilievre devra négocier et mettre de l’eau dans son vin.
LE SCEAU BLEU
Et ça se corse encore davantage sur le front de la santé.
Dans sa croisade contre les bureaucraties de toute sorte, Pierre Poilievre aimerait bien s’attaquer aux ordres professionnels.
Sa solution ? Le Sceau bleu. À l’image du Sceau rouge qui permet aux gens de métiers de voir leurs compétences reconnues d’une province à l’autre, le Sceau bleu faciliterait la reconnaissance des compétences des médecins et infirmières étrangers.
Un gouvernement Poilievre compte donc convaincre les provinces d’accepter un examen unique afin d’assurer la certification de ces professionnels de la santé en 60 jours !
Tellement simple, que l’idée fait son chemin au sein de plusieurs provinces canadiennes. Or, ce que les conservateurs ont omis de remarquer, c’est que le Québec s’y oppose formellement. La santé c’est sa juridiction, les ordres professionnels aussi.
Comme me le disait une source du milieu de la santé, « entre un diplôme et les besoins sur le terrain, il y a un monde ».
D’ailleurs entre le milieu de la construction et la médecine aussi il y a un monde…
Les stratèges conservateurs vous diront que les politiques de Pierre Poilievre vont se préciser d’ici les prochaines élections. Que les écueils seront surmontés.
Ils misent sur la présomption de bonne foi qui vient avec leur respect habituel de l’autonomie des provinces.
Peut-être.
Mais en politique le gros bon sens, c’est plus compliqué que de citer Lucien Bouchard et Mes Aïeux, ça devrait exiger le respect de la Constitution.