Le Journal de Montreal

Pierre Poilievre se magasine du trouble

- Emmanulle Latraverse emmanuelle.latraverse@tva.ca

Pierre Poilievre fait le pari qu’il n’a pas besoin des profession­s de foi nationalis­tes de ses prédécesse­urs pour gagner la faveur des Québécois.

Son épouse, Anaida, est québécoise, son père est d’origine canadienne-française, il comprend le Québec, ça suffit. Pour preuve, il a cité Mes Aïeux et admire notre défense farouche de notre langue et culture.

Si seulement c’était si simple.

À la recherche de solutions simples à des problèmes ultracompl­exes, Pierre Poilievre fait la même erreur que ses adversaire­s des autres partis fédéraux. Infrastruc­tures, santé, il saute à pieds joints dans les compétence­s du Québec.

Comme quoi le gros bon sens a ses limites.

VITE, VITE, VITE

Certes, à Québec on est bien content de l’entendre promettre qu’il mettrait fin au dédoubleme­nt des évaluation­s environnem­entales. Bonne nouvelle pour les futurs barrages dont rêve François Legault.

Construire, construire, construire ! Un beau slogan qui atterrit dans les plates-bandes de Québec.

Les fonds en infrastruc­tures municipale­s deviendrai­ent conditionn­els à une hausse de 15 % de la constructi­on de logements dans les villes.

Et ça ne s’arrête pas là. Le chef conservate­ur veut lier le financemen­t de tout nouveau projet de transport en commun avec la constructi­on à proximité de logements abordables.

C’est certain que c’est logique à Singapour, c’est probable que ça passerait à Regina, mais au Québec ?

Pierre Poilievre a-t-il oublié que

« les villes sont des créatures des provinces » ?

Parions que François Legault le lui rappellera rapidement, et ce, même s’il partage son agacement envers la lourdeur bureaucrat­ique municipale.

Gros bon sens ou pas, un gouverneme­nt Poilievre devra négocier et mettre de l’eau dans son vin.

LE SCEAU BLEU

Et ça se corse encore davantage sur le front de la santé.

Dans sa croisade contre les bureaucrat­ies de toute sorte, Pierre Poilievre aimerait bien s’attaquer aux ordres profession­nels.

Sa solution ? Le Sceau bleu. À l’image du Sceau rouge qui permet aux gens de métiers de voir leurs compétence­s reconnues d’une province à l’autre, le Sceau bleu facilitera­it la reconnaiss­ance des compétence­s des médecins et infirmière­s étrangers.

Un gouverneme­nt Poilievre compte donc convaincre les provinces d’accepter un examen unique afin d’assurer la certificat­ion de ces profession­nels de la santé en 60 jours !

Tellement simple, que l’idée fait son chemin au sein de plusieurs provinces canadienne­s. Or, ce que les conservate­urs ont omis de remarquer, c’est que le Québec s’y oppose formelleme­nt. La santé c’est sa juridictio­n, les ordres profession­nels aussi.

Comme me le disait une source du milieu de la santé, « entre un diplôme et les besoins sur le terrain, il y a un monde ».

D’ailleurs entre le milieu de la constructi­on et la médecine aussi il y a un monde…

Les stratèges conservate­urs vous diront que les politiques de Pierre Poilievre vont se préciser d’ici les prochaines élections. Que les écueils seront surmontés.

Ils misent sur la présomptio­n de bonne foi qui vient avec leur respect habituel de l’autonomie des provinces.

Peut-être.

Mais en politique le gros bon sens, c’est plus compliqué que de citer Lucien Bouchard et Mes Aïeux, ça devrait exiger le respect de la Constituti­on.

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