« English week » : Déry et Legault ont raison
Plusieurs dénonceront la réaction de la ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry et du premier ministre Legault au sujet de la « English week » du Cégep François-Xavier Garneau, à Québec.
(J’utilise volontairement l’ancien nom du « Collège Garneau ». Pour des raisons de marketing, en 2012, cette institution a choisi d’occulter le beau prénom de notre historien infatigable...)
À Garneau donc, du 11 au 15 septembre, le Département des langues invite « toute la communauté » à « parler en anglais ».
La ministre Déry a eu ce coup de sang salutaire : « Il y a déjà assez d’anglais chez les jeunes en général au Québec. » Ce avec quoi le premier ministre s’est montré d’accord.
Jean-François Roberge, ministre de la Langue française, avait choisi plus tôt de jouer les gentils faucons en peluche. Il ne s’« insurgea » pas contre la « week », puisqu’il y avait d’autres semaines thématiques. Couac ministériel montrant qu’un débat, sans doute sain, existe.
FERMETURE ?
Certains fustigent Déry et Legault : ces derniers auraient exprimé un nationalisme de fermeture, découlant d’une vision décliniste. S’ouvrir aux « autres langues » est formidable, point. Ce n’est sûrement pas totalement faux.
Sauf que l’anglais n’est plus, en ces années 20 du XXIe siècle, n’importe quelle langue. C’est l’idiome impérial de l’époque.
La situation, depuis les débats linguistiques de l’ère « pré-internet » (1960 à 1995), a profondément changé.
De voir une ministre et un premier ministre l’affirmer clairement a quelque chose de rassurant.
Disons-le : c’est la « English week » à longueur d’année pour nos jeunes. Tout, depuis des décennies, de notre auto à notre grille-pain, nous parle anglais. En plus, les industries culturelles en ligne (Netflix, Spotify, etc.), ces dernières années, comme l’a bien dit Mme Déry, sont si omniprésentes qu’on a désormais de la difficulté à bien transmettre le français aux jeunes.
Il y a un an, un sondage Léger le confirmait :
■ 58 % de nos jeunes (18 à 34 ans) consomment très peu, voire pas du tout de contenu audiovisuel québécois sur les plateformes en ligne
; ■ 31 % d’entre eux admettent ne jamais écouter ni regarder de contenu issu du Québec ;
■ 75 % disent que leur consommation de contenu québécois ne dépasse pas 4 heures par semaine.
Dans une enquête récente, on a demandé aux jeunes les raisons de leur « manque d’intérêt à regarder des contenus québécois ». Soixante-deux pour cent ont coché : « Je préfère écouter des contenus en anglais. »*
La langue de Shakespeare et de Taylor Swift s’apprend comme par osmose à notre époque. Il ne s’agit pas pour autant d’interdire les « English week ». Mais on aurait besoin de faire de chaque semaine une « French week » au cégep !
Face à l’anglicisation galopante, la presque totalité des professeurs de cégep a adopté, l’an dernier, des résolutions syndicales réclamant l’application de la loi 101 au collégial. François Legault a jadis qualifié la mesure d’« extrémiste ». Il semble aujourd’hui partager plusieurs constats de ces profs. Ne lui resterait maintenant qu’à faire un dernier pas.
*(Pratiques de visionnement connecté des jeunes au Québec, 27 avril 2023)