Le Journal de Montreal

La nouvelle loi sur l’habitation est un piège à cons

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Pour les locataires, la nouvelle loi caquiste sur l’habitation est un marché de dupes. Un piège à cons. Un attrape-nigaud. Choisissez votre synonyme.

France-Élaine Duranceau, ministre responsabl­e de l’Habitation, jure pourtant qu’elle rétablit simplement un nouvel « équilibre » entre les droits des propriétai­res et des locataires. Or, rien n’est moins vrai.

Même le resserreme­nt des conditions entourant les évictions qui, depuis des années, jettent de plus en plus de locataires à la rue ou les obligent à payer un loyer ailleurs beaucoup plus cher est un miroir aux alouettes.

Rien non plus pour élargir la protection des aînés contre les évictions. En pénurie grave de logements et avec des loyers exorbitant­s, il aurait plutôt fallu imposer un moratoire sur toutes les évictions tant que la crise sévit.

La ministre jure qu’elle n’abolit pas le droit acquis des locataires à la cession de bail. Un bel écran de fumée. En fait, elle donne carrément aux proprios le droit de refuser une cession de bail sans motif sérieux.

Résultat : elle tue le seul outil restant aux locataires concernés d’empêcher une hausse abusive du loyer en cédant leur bail au même prix.

La ministre se félicite aussi d’ajouter des dommages punitifs pour les proprios qui ne dévoilent pas le loyer payé par le locataire précédent.

En pleine crise du logement, la réalité est toutefois que les locataires n’ont plus de rapport de force quand ils sont face à un proprio trop vorace.

LA MAISON BRÛLE

Cette réalité, soit que la ministre la connaît et s’en balance. Soit qu’elle ne la connaît pas et c’est encore pire. Évidemment, elle refuse aussi de créer un registre national des baux.

De toute manière, la ministre répète souvent que LA solution à la crise du logement, selon elle, serait de construire plus.

Donc, d’attendre et d’attendre. Pendant ce temps, des milliers de locataires sont piégés par un marché devenu fou également parce qu’il est trop peu encadré.

Bref, la maison brûle, mais au lieu d’appeler les pompiers – donc, d’agir pour mieux réguler le marché –, la ministre attend que la pluie arrive pour éteindre le feu. Comment se surprendre qu’aucun parti d’opposition n’ait voté pour cette loi ?

Plus ubuesque encore est sa lettre ouverte publiée hier dans Le Devoir. Sous un titre ronflant : « Oser bousculer le statu quo en habitation, ça crée de la division ! » – point d’exclamatio­n à l’appui –, Mme Duranceau s’autocongra­tule néanmoins pour son grand « courage ».

LA COUR DES CLICHÉS EST PLEINE

Elle y réduit les multiples critiques envers sa loi à du « bruit ambiant », à une « réaction de ceux qui sont habitués au statu quo » et invite même toute la société à « se défaire de notre résistance au changement ».

N’en jetez plus. La cour des clichés est pleine. La ministre ajoute même ceci : « quand on agit, souvent, on polarise ». Une perle de vacuité.

La vérité est qu’en politique, lorsqu’on agit pour le bien commun, sans faire pour autant l’unanimité, on fédère. Même minimaleme­nt. C’est quand on agit contre celui-ci, qu’on polarise.

Cela explique pourquoi cette « Loi modifiant diverses dispositio­ns législativ­es en matière d’habitation » – l’euphémisme de l’année – est aussi mal reçue.

Et ce côté n’est pas celui des locataires, pourtant les principale­s victimes d’une crise du logement qui n’en finit pas de s’aggraver.

Plus largement, on en revient à cette fine observatio­n d’une bonne voisine qui, dans les faits, décrit à merveille ce qu’est un marché de dupes.

« Finalement, des élus qui sont tous propriétai­res et décident des droits des locataires, c’est comme dans le temps des parlements exclusivem­ent masculins, où se décidaient les droits des femmes in absentia. »

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