Le Journal de Montreal

Ce bénévole ne baisse pas les bras

L’usure et la culpabilit­é se font sentir après deux ans de guerre entre la Russie et l’Ukraine

- DOMINIQUE SCALI

Un Québécois d’origine ukrainienn­e continue de multiplier les projets pour aider ses compatriot­es traumatisé­s et s’assurer qu’ils ne tombent pas dans l’oubli malgré l’usure de deux ans de guerre.

« Il y a beaucoup de volontaire­s qui aidaient beaucoup au début et qui ont [arrêté] complèteme­nt. Je pense qu’il ne reste que 10 à 15 % qui continuent », estime Oleg Koleboshyn.

« C’est normal. C’est difficile, après deux ans... Je ne sais même pas où je trouve encore la force [d’aider]. Mais je n’ai pas le choix », lance celui qui s’est rendu à deux occasions à la frontière du pays depuis le début de l’invasion.

Oleg Koleboshyn, 45 ans, a quitté l’Ukraine pour s’installer au Québec avec sa famille en 2010.

Le Journal lui avait parlé pour la première fois au début de la guerre, en 2022, alors qu’il était éducateur spécialisé dans une école de LaSalle. Il se trouvait à ce moment-là en Roumanie pour rapatrier certains de ses proches.

Un an plus tard, il recueillai­t des fonds pour envoyer des génératric­es aux civils qui subissaien­t des coupures de courant en plein hiver. Une douzaine d’appareils ont ainsi pu être expédiés.

Cette année, il n’a pas pu se dévouer à l’aide à l’Ukraine autant que l’année précédente parce qu’il s’est séparé de sa conjointe. Il a donc eu besoin de plusieurs mois de pause.

« Je me suis senti coupable », avoue-til. J’ai cette impuissanc­e... Je suis déchiré à l’intérieur. Je ne peux pas aller là-bas, mais je veux faire quelque chose. »

Depuis l’automne, il a retrouvé l’énergie. Il offre du soutien à distance à des Ukrainiens restés là-bas ou encore expatriés ailleurs dans le monde.

Beaucoup sont en état de stress post-traumatiqu­e, note celui qui était psychologu­e en Ukraine avant d’immigrer. En même temps, la guerre est devenue presque banale pour plusieurs d’entre eux.

BANALES EXPLOSIONS

Il donne l’exemple d’une jeune femme de 20 ans à qui il offre du soutien psychologi­que. Elle a perdu son père, sa mère, son beau-père et plusieurs de ses amis.

Lors de leur dernière séance, la semaine dernière, il pouvait voir des explosions par la fenêtre derrière elle.

« Mais elle, elle est calme. Elle vit ça tous les jours », explique-t-il.

Le risque de cette normalisat­ion se fait aussi sentir ici, puisqu’on parle beaucoup moins de la guerre en Ukraine depuis quelques mois, a-t-il remarqué.

Avec des amis, il a donc le projet de créer des capsules vidéo pour informer sur ce qui se passe sur le terrain. Le projet inclura des segments sur la propagande russe, sur l’histoire, avec des comparaiso­ns entre l’avant et l’après-invasion.

« Qui va reconstrui­re l’Ukraine ? » se demande-t-il. Car plus la guerre s’éternise, plus les enfants forment un « avenir traumatisé » et moins les réfugiés auront envie d’y retourner, suppose-t-il.

« En avril 2022, je pensais que la guerre allait se terminer pendant l’été, se souvient-il avec un sourire. C’était trop naïf. »

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Le Montréalai­s Oleg Koleboshyn multiplie les initiative­s pour aider l’Ukraine.

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