Le Journal de Montreal

Des feux de forêt… sous la neige

Des brasiers en Alberta et en Colombie-Britanniqu­e restent en activité sous l’épaisse couche d’humus

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AFP | Des dizaines de brasiers sortent sous la neige comme des zombies dans l’ouest du pays, faisant craindre le pire à quelques semaines du début de la saison des feux, après un été 2023 apocalypti­que.

C’est une lutte sans fin. Même en plein hiver, les pompiers sont à pied d’oeuvre alors que près de 150 feux continuent de brûler dans l’Ouest.

« Nous avons un hiver exceptionn­el après un été exceptionn­el », se désole auprès de l’AFP Josée St-Onge, porte-parole des pompiers en Alberta.

En cause, la multiplica­tion des incendies zombies, ceux qui couvent sous la neige dans l’épaisse profondeur des tourbières de la forêt boréale. Ils sont 10 à 12 fois plus nombreux cette année dans les provinces de l’ouest du Canada.

Les éradiquer est un travail de fourmi, car ils sont difficilem­ent détectable­s et nécessiten­t de gratter la terre pour éviter que se consume à petit feu, sous la neige, l’humus, cette épaisse matière végétale qui compose une couche qui peut atteindre jusqu’à 80 cm.

Rien qu’en Colombie-Britanniqu­e, plus de 90 incendies sont actifs actuelleme­nt, un record.

« Normalemen­t, nous en avons plutôt sept ou huit l’hiver en moyenne », raconte Forrest Tower, porte-parole des pompiers de cette province souvent la plus touchée par les incendies.

Et si les pompiers redoutent ces feux qui couvent, c’est parce que, dès l’arrivée du printemps et la hausse des températur­es, ils peuvent rapidement se transforme­r en immenses brasiers.

PIRE QUE JAMAIS

« Nous sommes dans une situation plus dramatique que l’an dernier, car la sécheresse est toujours là, mais en plus, nous avons toujours une partie des feux de l’an passé », explique Marc-André Parisien, chercheur au Service canadien des forêts.

Victime des conséquenc­es dévastatri­ces du réchauffem­ent climatique, le Canada a connu en 2023 la pire saison des feux de son histoire.

Près de 18 millions d’hectares de terres sont partis en fumée, une superficie plus grande que la Grèce. Quelque 200 000 personnes ont par ailleurs dû être évacuées et la fumée des incendies s’est répandue jusqu’aux États-Unis et même en Europe.

À peine trois mois après la fin officielle de la saison 2023, les experts sont « très inquiets », notamment en raison du manque de neige, qui a aggravé la sécheresse déjà existante.

« Nous avons un enneigemen­t bien en-deçà de la normale sur une assez large partie du Canada. C’est assez spectacula­ire à certains endroits », explique

Forrest Tower, qui parle de - 50 % dans sa province.

Or plus la neige est abondante, plus le risque d’incendie diminue, car au printemps, la fonte permet d’humidifier les sols.

Selon Ressources naturelles Canada, la couverture neigeuse a diminué de 5 % à 10 % par décennie depuis 1981. Et cet hiver a été marqué par des températur­es hivernales plus douces, qui se situaient en moyenne 4 °C au-dessus des normales de saison, selon le ministère de l’Environnem­ent.

UN RIEN POUR METTRE LE FEU

Vu les conditions actuelles, « il suffira d’un peu de vent ou d’un orage pour que des feuilles et les aiguilles de résineux s’enflamment. C’est un combustibl­e extrêmemen­t inflammabl­e », ajoute Marc-André Parisien.

« Tout est en place pour une saison des feux très active, au moins dans l’ouest du pays », renchérit Mike Flannigan, professeur à l’université Thompson Rivers de Kamloops, en Colombie-Britanniqu­e.

Le seul espoir pourrait venir d’un printemps particuliè­rement pluvieux.

Mais « les prévisions saisonnièr­es d’Environnem­ent Canada indiquent que des températur­es plus chaudes sont probables au moins jusqu’en juin », ajoute-t-il, évoquant le phénomène El Niño.

L’heure est donc déjà aux préparatif­s. L’Alberta a annoncé mardi avoir recruté 100 pompiers supplément­aires, a devancé la mobilisati­on au mois d’avril et interdit déjà les feux à proximité des forêts.

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PHOTOS AFP FOURNIES PAR ALBERTA WILDFIRE Difficile à croire, mais des dizaines de pompiers combattent des feux de forêt chaque année sous la neige dans l’Ouest canadien, comme ici à Fox Lake, en Alberta. Sinon, ils risquent de dégénérer au printemps.

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