Le Journal de Montreal

Une famille a pensé déménager à cause du manque d’ambulances

Une jeune fille victime de graves crises d’épilepsie a dû attendre les secours pendant près de 20 minutes

- – Avec la collaborat­ion de Philippe Langlois

Une famille de Val-des-Monts a pensé quitter la ville tellement les ambulancie­rs mettent un temps fou à arriver lors des graves crises d’épilepsie de sa fille.

« L’attente, c’est pratiqueme­nt insupporta­ble. Comme parent, voir son enfant convulser et être impuissant, c’est très difficile », raconte avec émotion Pascal Thibault, qui habite Val-des-Monts depuis 2013.

Cette ville de l’Outaouais a le pire temps d’attente, selon une compilatio­n de notre Bureau d’enquête, qui a analysé, sur une période d’un an, les délais entre un appel urgent au 911 et l’arrivée des ambulancie­rs pour les 112 municipali­tés de plus de 10 000 habitants du Québec (voir autre texte).

Les Thibault en savent quelque chose. Entre 2016 et 2020, l’état de leur fille épileptiqu­e a nécessité à huit reprises un appel au 911.

Il fallait alors qu’elle soit transporté­e d’urgence à l’hôpital, sans quoi sa crise ne prenait pas fin.

À six occasions, il a été jugé par les répartiteu­rs d’urgence que la vie de la petite Abigaëlle était en danger et qu’il fallait intervenir rapidement.

« On peut finir par en mourir en ayant un apport insuffisan­t en oxygène, par exemple. C’est une situation d’urgence », insiste le père de famille.

JUSQU’À 20 MINUTES

Malgré la haute priorité de l’appel, l’ambulance a parfois pris jusqu’à 20 minutes avant d’arriver au chevet d’Abigaëlle, confirment des données fournies par son établissem­ent de santé. En moyenne, la fillette a attendu l’ambulance durant 17 minutes et demie.

Pourtant, le schéma de couverture ambulanciè­re du ministère de la Santé juge que le domicile des Thibault devrait être desservi par les ambulancie­rs en huit minutes.

« Oui, les pompiers arrivent comme premiers répondants, mais ils ne peuvent rien faire », raconte Pascal Thibault.

À un certain point, la famille de deux enfants a même songé à quitter la ville dans l’espoir d’être mieux desservie.

« On a pensé assez sérieuseme­nt à déménager. Ça ne devrait pas être la solution de le faire », déplore M. Thibault, qui a finalement choisi de rester.

PONT HORS SERVICE

La situation est d’autant plus frustrante que la petite famille est établie à quelques centaines de mètres de Gatineau, qui a un délai d’interventi­on moyen deux fois plus court que celui de Val-des-Monts.

Mais un pont hors service depuis 2009 impose un détour de cinq minutes aux ambulancie­rs, confirme le CISSS de l’Outaouais, qui reconnaît que les délais à Val-des-Monts sont « trop longs » (voir autre texte).

Le Montvalois a fait des démarches auprès d’élus locaux pour que cet accès soit rétabli, mais en vain. « Je trouve qu’on n’est pas entendus. Les gens se relancent toujours la balle. C’est compliqué », déplore le père de famille.

« ÇA NE FAIT PAS DE SENS »

Heureuseme­nt, la petite Abigaëlle, qui a aujourd’hui 12 ans, a désormais accès à des médicament­s à domicile pour calmer les crises. Un transport à l’hôpital n’est donc plus systématiq­uement requis.

Mais cela ne règle pas pour autant les délais ambulancie­rs de Val-des-Monts.

« Pour la sécurité de ma communauté, ça ne fait pas de sens. Je me soucie beaucoup des gens qui sont plus éloignés que moi dans Val-des-Monts. Ça doit être l’enfer d’y attendre l’ambulance », termine M. Thibault.

 ?? PHOTO FOURNIE PAR GABRIEL GERVAIS ?? Abigaëlle et son père, Pascal Thibault, résident à Val-des-Monts, là où les délais ambulancie­rs sont les plus longs au Québec. La jeune fille souffre de crises d’épilepsie sévères, qui ont nécessité l’interventi­on d’une ambulance à plusieurs reprises.
PHOTO FOURNIE PAR GABRIEL GERVAIS Abigaëlle et son père, Pascal Thibault, résident à Val-des-Monts, là où les délais ambulancie­rs sont les plus longs au Québec. La jeune fille souffre de crises d’épilepsie sévères, qui ont nécessité l’interventi­on d’une ambulance à plusieurs reprises.

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