Le Journal de Montreal

L’intelligen­ce artificiel­le utilisée pour gérer près de 20 milliards $ d’actifs

Elle aide notamment les gens qui s’occupent du bas de laine des Québécois à mettre leurs émotions de côté

- SYLVAIN LAROCQUE Le Journal de Montréal

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) n’a pas attendu ChatGPT pour faire entrer l’intelligen­ce artificiel­le (IA) dans ses murs. Aujourd’hui, cette technologi­e, qui suscite autant d’espoir que de craintes, joue un rôle crucial dans la gestion de près de 20 milliards $ d’actifs.

«Des consultant­s externes nous ont dit qu’on était vraiment parmi les quatre ou cinq gestionnai­res institutio­nnels les plus avancés en termes de certaines choses qu’on fait», raconte le PDG de la Caisse, Charles Emond, dans une entrevue accordée au Journal.

«C’est prometteur, ajoute-t-il. Au niveau des marchés boursiers, c’est quelque chose qui est rendu à 18 ou 19 milliards $ aujourd’hui [sur un portefeuil­le de 114 milliards $]. Ce n’est donc pas rien, mais ça reste modéré.»

«SAINE TENSION»

On s’en doutait: la CDPQ n’utilise pas des outils de type ChatGPT, mais plutôt des solutions qu’elle a développée­s à l’interne.

«On a bâti ça une pierre à la fois, précise M. Emond. On a eu de l’aide [externe]. C’est vraiment quelque chose dont je suis très fier, parce que ça met une saine tension, ça nous amène à toujours faire de l’introspect­ion sur comment on fait les choses.»

Il assure que la CDPQ ne fait rien de « trop flyé » et que tous les garde-fous nécessaire­s sont en place pour éviter les dérapages.

«Il ne faudrait pas que les Québécois pensent que ce sont des robots-conseiller­s qui gèrent leur bas de laine, lance-t-il. Par contre, la machine peut aider l’humain à se concentrer au bon endroit.»

PÊCHER PLUS LOIN DANS LE LAC

L’IA «peut filtrer plus de titres [boursiers] qu’un humain, illustre Charles Emond. Elle peut aller pêcher à d’autres endroits dans le lac. Ce serait humainemen­t impossible pour un gestionnai­re.»

Combinée à la «science des données», l’IA est capable d’empêcher la Caisse de faire des erreurs coûteuses, soutient le dirigeant.

«En général, dans un portefeuil­le, ce qui va couler une performanc­e sur 25 titres, c’est une ou deux torpilles qui tombent vraiment bas, relate-t-il. [L’IA] les identifie très bien.»

M. Emond ne croit pas que la place grandissan­te accordée à l’IA se traduira par des pertes d’emplois à la Caisse.

«La machine applique la recette de nos gestionnai­res, mais sans émotion. Et il y a la rétroactio­n que ça donne à nos gestionnai­res sur leurs propres recettes. Ça bonifie leurs façons de transiger. Pour moi, c’est quelque chose de vertueux plutôt que quelque chose qui va démolir une pratique, où on dirait aux gens “on n’a plus besoin de vous autres”. On fait juste déplacer nos gens dans la partie “valeur ajoutée” du processus décisionne­l.»

« EN GÉNÉRAL, DANS UN PORTEFEUIL­LE, CE QUI VA COULER UNE PERFORMANC­E SUR 25 TITRES, C’EST UNE OU DEUX TORPILLES QUI TOMBENT VRAIMENT BAS, [L’IA] LES IDENTIFIE TRÈS BIEN » – Charles Emond, PDG de la Caisse

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Le grand patron de la Caisse de dépôt, Charles Emond, jeudi, à Montréal, lors de la présentati­on des résultats pour l’exercice 2023.

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