Le Journal de Montreal

Un excellent joueur de tours... et de hockey

- Marc.defoy@quebecorme­dia.com

Yvan Cournoyer a été le coéquipier de Jean-Guy Talbot à ses trois premières saisons avec le Canadien. Lui aussi vous dira que Talbot était un bon vivant et un fameux joueur de tours.

« Il n’aurait pas fallu que Guy Lapointe et lui jouent en même temps ! », lance-t-il. Mais il n’oublie pas le principal. « Jean-Guy était un meilleur joueur de hockey que les gens ne le pensent », prend-il soin d’ajouter. Les exemples ne manquent pas. Lorsque Doug Harvey a été échangé aux Rangers de New York, en 1961, Talbot a connu la meilleure saison offensive de sa carrière avec 47 points en 70 matchs. C’était beaucoup de points pour un défenseur. À cette époque, les défenseurs se concentrai­ent sur leur travail premier qui consistait à défendre leur territoire.

« Jean-Guy donnait des cheveux blancs à Toe quand il montait avec la rondelle en territoire offensif », se rappelle André Pronovost en riant.

Toe, c’était le légendaire Toe Blake qui a mené le Canadien à la coupe Stanley à ses cinq premières campagnes derrière le banc de l’équipe.

Un record qui ne sera jamais battu, disait Talbot.

PREMIÈRE ÉQUIPE D’ÉTOILES

Sa meilleure saison avait été reconnue à travers la Ligue nationale. Choisi au sein de la première équipe d’étoiles de la saison 1961-1962, il avait terminé troisième au scrutin pour le trophée Norris, derrière Harvey, pour qui il s’agissait d’un septième sacre en huit ans, et Pierre Pilote.

Mais ce qui comptait par-dessus tout pour lui et ses coéquipier­s, c’était la coupe Stanley. Une saison sans coupe était un échec pour le Canadien dans le temps. Talbot l’a gagnée à sept reprises pendant ses 12 saisons avec le Tricolore. Il s’en trouvera pour dire que n’importe qui pouvait graver son nom sur la coupe s’il avait la chance de faire partie du Canadien. Or, il fallait être bon pour jouer à Montréal aussi longtemps que Talbot l’a fait.

L’équipe était composée en majorité de Québécois qui venaient de Montréal, de Joliette, de Shawinigan, de Victoriavi­lle ou de Cap-dela-Madeleine, ville natale de Talbot. Les joueurs étaient soudés comme une famille. Après les matchs au Forum, ils se retrouvaie­nt aux restaurant­s avec leurs conjointes.

MONONCLE MAURICE

L’été, Talbot et son épouse, Pierrette, sa complice de vie durant 70 ans, allaient au restaurant et voir des pièces de théâtre d’été avec Henri et Lise Richard. Talbot prenait plaisir à taquiner son ami Henri avec qui il a entretenu une amitié de 60 ans.

« Henri et Maurice ne se parlaient jamais, m’avait raconté Talbot dans les jours suivant le décès de son grand ami en mars 2020.

« Parfois, je lançais à Henri : “Parlemoi donc de ton oncle Maurice !” Henri me répondait : “Toé, mon tabarouett­e !” Maurice me regardait avec ses yeux perçants. » Le Rocket était intimidant même pour ses coéquipier­s, mais ça n’empêchait pas Talbot de s’amuser à ses dépens. Au milieu des années 1960, alors que le Rocket s’embêtait dans un rôle de vice-président avec le Canadien, Talbot était monté au deuxième étage du Forum, une pile de revues de bandes dessinées sous le bras.

Le Rocket était intimidant même pour ses coéquipier­s, mais ça n’empêchait pas Talbot de s’amuser à ses dépens. Au milieu des années 1960, alors que le Rocket s’embêtait dans un rôle de vice-président avec le Canadien, Talbot était monté au deuxième étage du Forum, une pile de revues de bandes dessinées sous le bras.

Il les déposa sur le bureau de Richard en lui disant : « Tiens, Maurice, voilà de quoi te désennuyer. Il m’avait couru après jusque sur la rue Closse ! »

Fallait avoir du front pour faire une blague au Rocket.

L’histoire datait d’environ 55 ans et Talbot la racontait avec grand plaisir.

AUX FRAIS DES BLUES

Quelques années plus tard, Jean-Guy et Henri se rencontren­t en Floride. Talbot joue avec les Blues de SaintLouis qui viennent de subir la défaite en finale contre le Canadien. Il offre une traite après l’autre au Pocket Rocket qui est gêné devant tant de générosité.

Henri veut payer, lui aussi, mais Jean-Guy lui dit de garder son argent dans ses poches.

« Il a alors insisté pour me rendre la pareille à notre retour à Montréal. La journée lui avait coûté 400 $. Il n’était pas de bonne humeur quand je lui avais avoué que je n’avais pas eu à verser un sou en Floride puisqu’on était là sur le bras des Blues. »

Des histoires drôles, j’en ai entendu des tas de la bouche d’anciennes gloires du Canadien. Les années passent et le temps fait son oeuvre. Le club des vrais anciens rétrécit.

L’Alzheimer a emporté Henri Richard à petit feu. La COVID-19 commençait quand il est parti. Les restrictio­ns sanitaires avaient empêché Talbot d’aller lui rendre un dernier hommage. Il était triste, mais soulagé que son ami qu’il aimait comme un frère soit délivré de cette terrible maladie qui lui avait enlevé ses dernières années sur la Terre. Il préférait penser aux beaux souvenirs qu’ils avaient vécus ensemble.

« Il faut avoir du plaisir dans la vie », m’avait-il dit.

« Il y en a assez qui pleurent. » Salut, monsieur Talbot !

 ?? ??
 ?? ??
 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Jean-Guy Talbot photograph­ié en 2018 à son domicile, à Trois-Rivières, à proximité du fleuve Saint-Laurent.
PHOTO D’ARCHIVES Jean-Guy Talbot photograph­ié en 2018 à son domicile, à Trois-Rivières, à proximité du fleuve Saint-Laurent.

Newspapers in French

Newspapers from Canada