Le Journal de Montreal

Des caméras témoins de leur enfer

Des résidents lassés des toxicomane­s qui s’immiscent dans l’immeuble se sont munis d’un système de surveillan­ce

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À l’intérieur de Montréal, le journalist­e Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.

Victimes de vexations, de vandalisme et d’entrées par effraction de la part de consommate­urs de drogues dures, des résidents excédés d’un immeuble du centrevill­e se sont équipés d’un dispositif de caméras de surveillan­ce pour documenter leur calvaire dans l’espoir que les images mèneront enfin les décideurs à les aider.

J’ai consacré une chronique à cette situation déplorable sur la rue Berger, surnommée l’« allée du crack », en octobre dernier. Rien n’a changé depuis. Pour les résidents de l’immeuble d’habitation à prix modique Un toit en ville, le dérangemen­t est perpétuel.

De l’autre côté de la rue, l’organisme Cactus

s’acquitte de sa mission humanitair­e qui est de veiller à ce que les utilisateu­rs de drogues dures puissent s’injecter en sécurité et recevoir du matériel de consommati­on propre. C’est en dehors de ses murs que ça se corse.

« Les déchets partout, les seringues souillées, les cris en pleine nuit, les bagarres, les engueulade­s, les gyrophares tout le temps, les attroupeme­nts de fumeurs de crack qui bloquent les entrées et les sorties, les introducti­ons par effraction pour vendre ou consommer dans le sous-sol, c’est la réalité quotidienn­e de nos résidents 365 jours par année », déplore Guy Robert, le président du CA de l’organisme.

« Les intervenan­ts de Cactus ont des quarts de travail et des vacances. Mais il n’y a jamais de répit pour nos résidents, prisonnier­s de la situation. C’est le supplice de la goutte. »

DOCUMENTER LES AGRESSIONS

Il y a deux semaines, Un toit en ville a fait installer un système de caméras de surveillan­ce exhaustif.

« Un de nos résidents a reçu un coup de barre de fer derrière la tête l’automne dernier et une de mes voisines de 74ans s’est fait bousculer et jeter par terre par quelqu’un qui entrait de force, alors les policiers nous ont dit que si on veut pouvoir identifier les malfaiteur­s, ça aiderait d’avoir des images », me raconte Hortense, une résidente qui a elle-même eu maille à partir avec des fumeurs de crack qui refusaient de s’enlever de son entrée le 10 février dernier.

« On parle de ce qu’on endure et c’est comme si on n’était pas cru. Des gens ont le culot de dire qu’on souffre du syndrome “pas dans ma cour”, mais ce n’est pas dans notre cour que ça se passe, c’est dans notre face, c’est dans nos entrées, dans nos corridors et ça nous tient réveillés la nuit », raconte la femme d’un certain âge qui, pour aller porter ses poubelles au sous-sol, se met en duo avec une voisine afin de ne pas s’y aventurer seule.

Au sous-sol, des globes brisés témoignent qu’on a l’habitude de les arracher pour ensuite enlever les ampoules et plonger le corridor dans la pénombre... afin de fumer en paix et dormir.

ENTRER EN « GANG »

« Souvent, celui qui parvient à entrer laisse pénétrer toute sa gang. Et ça se ramasse une dizaine en bas. Il faut appeler le 911. L’autre jour, il y avait un gigantesqu­e étron dans l’escalier de secours et ça puait dans tout l’immeuble. »

Pendant la nuit, après ma visite chez Hortense, l’astragale métallique de la porte d’entrée a été tordu. Un intrus s’est promené dans les corridors. Quant au portique avant, aucune surprise : il abritait un attroupeme­nt de fumeurs de crack. Malheureus­ement, l’organisme Un toit en ville risque de rapidement « rentabilis­er » les 15 000 $ investis dans son système de surveillan­ce.

 ?? PHOTOS UN TOIT EN VILLE ?? 2 3 1. Comme en témoignent les nouvelles caméras de sécurité, il se fume beaucoup de crack dans l’entrée du 1235, rue Berger. 2. Dans la nuit du 21 au 22 février, juste après ma visite, un homme s’est introduit dans l’immeuble. 3. L’astragale de la porte d’entrée a été tordu.
PHOTOS UN TOIT EN VILLE 2 3 1. Comme en témoignent les nouvelles caméras de sécurité, il se fume beaucoup de crack dans l’entrée du 1235, rue Berger. 2. Dans la nuit du 21 au 22 février, juste après ma visite, un homme s’est introduit dans l’immeuble. 3. L’astragale de la porte d’entrée a été tordu.

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