Le Journal de Montreal

Un recours plus massif aux travailleu­rs étrangers néfaste pour les salaires ?

L’Institut du Québec appelle à la vigilance pour éviter que cela se produise au cours des prochaines années

- FRANCIS HALIN

« SI TU AUGMENTES DE MANIÈRE IMPORTANTE L’IMMIGRATIO­N MOINS QUALIFIÉE DANS UN SECTEUR, IL Y A AUSSI DES RISQUES DE RALENTIR CERTAINES TRANSFORMA­TIONS D’AUTOMATISA­TION. »

– Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec

Plus de « travailleu­rs étrangers temporaire­s [que les 59 820 actuels] pourraient exercer une influence négative sur les salaires des travailleu­rs locaux », selon un rapport de l’Institut du Québec (IDQ) qui vient d’être publié.

« Il faut être vigilant là-dessus. On ne dit pas que ça fait en sorte de baisser le salaire des travailleu­rs québécois, mais il faut être vigilant sur cette question-là », précise au Journal Daye Diallo, coauteur du rapport, économiste principal de l’Institut du Québec (IDQ).

« Pour certains métiers, s’il y a moins de compétitio­n, il y aura moins d’inflation sur les salaires si l’on fait venir la main-d’oeuvre de l’étranger », décortique sa directrice générale Emna Braham. « Si tu augmentes de manière importante l’immigratio­n moins qualifiée dans un secteur, il y a aussi des risques de ralentir certaines transforma­tions d’automatisa­tion ».

La numéro un de l’IDQ avait déjà levé le drapeau rouge sur cet enjeu plus tôt dans l’année : plusieurs entreprise­s n’ont pas investi en automatisa­tion quand les taux d’intérêt étaient faibles et se retrouvent aujourd’hui à se robotiser à fort prix.

Cela dit, on n’observe pas encore sur le plancher des salaires qui sont tirés par le bas, car ils continuent de bondir rapidement en raison de pénuries aiguës dans de nombreux secteurs-clés de l’économie québécoise.

Emna Braham rappelle d’ailleurs que les travailleu­rs du Programme de travailleu­rs étrangers temporaire­s (PTET) sont à peine 59 820, alors que ceux du Programme de mobilité internatio­nale (PMI) avoisinent les 107 615.

HUIT FOIS PLUS QU’EN 2015

Reste que ces dernières années, les travailleu­rs du Programme des travailleu­rs étrangers temporaire­s (PTET) ont augmenté plus vite que les autres catégories.

« Il est huit fois plus élevé qu’en 2015. Comme par le passé, environ le quart (23 %) des permis octroyés par le PTET en 2023 étaient attribués aux ouvriers du secteur de l’agricultur­e », note le rapport.

À la mi-février, Le Journal rapportait que des soudeurs étrangers viennent de plus en plus en renfort dans nos usines. Leur nombre a flambé de 28 % en l’espace d’un an.

Chez Desjardins, ce type de travailleu­rs a bondi de 14 %, entre 2021 et 2023, à 1670, notamment pour pourvoir des postes en TI. À la Cage, quelque 154 cuisiniers, chefs et sous-chefs s’activent en cuisine depuis 2021 et on en attend encore un bon 166.

PAS ASSEZ DANS LA CONSTRUCTI­ON

Dans des secteurs cruciaux comme la constructi­on, certains métiers continuent de se faire rares et le manque de bras frappe de plein fouet de nombreux chantiers.

Il y a quatre mois, le ministre du Travail, Jean Boulet, disait en entrevue au Journal vouloir plus de travailleu­rs étrangers temporaire­s en constructi­on.

Dans son rapport, l’Institut du Québec (IDQ) constate aussi que le Québec a du chemin à faire pour rattraper son retard avec l’Ontario dans ce secteur névralgiqu­e de l’économie.

D’après l’IDQ, ce type de maind’oeuvre est carrément sous-utilisée en constructi­on.

L’an dernier, même si les travailleu­rs étrangers temporaire­s formaient 3 % des travailleu­rs québécois, ils étaient trois fois moins nombreux en constructi­on, ce qui contraste avec l’Ontario, observe l’organisati­on.

« La reconnaiss­ance de compétence­s et la structure de l’industrie, composée de plus petits joueurs, font en sorte qu’ils ont plus de difficulté à dénicher des talents internatio­naux », conclut Emna Braham de l’IDQ.

Plus de 1566 entreprise­s québécoise­s ont demandé au ministère de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n de les aider dans leur recrutemen­t à l’étranger l’an dernier.

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PHOTOS STEVENS LEBLANC ET TIRÉE DU SITE WEB DE L’IDQ Le nombre de soudeurs étrangers, comme ces Brésiliens à l’emploi de l’entreprise Machinerie P&W de Québec, a bondi de 28 % en un an au Québec.

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