Un recours plus massif aux travailleurs étrangers néfaste pour les salaires ?
L’Institut du Québec appelle à la vigilance pour éviter que cela se produise au cours des prochaines années
« SI TU AUGMENTES DE MANIÈRE IMPORTANTE L’IMMIGRATION MOINS QUALIFIÉE DANS UN SECTEUR, IL Y A AUSSI DES RISQUES DE RALENTIR CERTAINES TRANSFORMATIONS D’AUTOMATISATION. »
– Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec
Plus de « travailleurs étrangers temporaires [que les 59 820 actuels] pourraient exercer une influence négative sur les salaires des travailleurs locaux », selon un rapport de l’Institut du Québec (IDQ) qui vient d’être publié.
« Il faut être vigilant là-dessus. On ne dit pas que ça fait en sorte de baisser le salaire des travailleurs québécois, mais il faut être vigilant sur cette question-là », précise au Journal Daye Diallo, coauteur du rapport, économiste principal de l’Institut du Québec (IDQ).
« Pour certains métiers, s’il y a moins de compétition, il y aura moins d’inflation sur les salaires si l’on fait venir la main-d’oeuvre de l’étranger », décortique sa directrice générale Emna Braham. « Si tu augmentes de manière importante l’immigration moins qualifiée dans un secteur, il y a aussi des risques de ralentir certaines transformations d’automatisation ».
La numéro un de l’IDQ avait déjà levé le drapeau rouge sur cet enjeu plus tôt dans l’année : plusieurs entreprises n’ont pas investi en automatisation quand les taux d’intérêt étaient faibles et se retrouvent aujourd’hui à se robotiser à fort prix.
Cela dit, on n’observe pas encore sur le plancher des salaires qui sont tirés par le bas, car ils continuent de bondir rapidement en raison de pénuries aiguës dans de nombreux secteurs-clés de l’économie québécoise.
Emna Braham rappelle d’ailleurs que les travailleurs du Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) sont à peine 59 820, alors que ceux du Programme de mobilité internationale (PMI) avoisinent les 107 615.
HUIT FOIS PLUS QU’EN 2015
Reste que ces dernières années, les travailleurs du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) ont augmenté plus vite que les autres catégories.
« Il est huit fois plus élevé qu’en 2015. Comme par le passé, environ le quart (23 %) des permis octroyés par le PTET en 2023 étaient attribués aux ouvriers du secteur de l’agriculture », note le rapport.
À la mi-février, Le Journal rapportait que des soudeurs étrangers viennent de plus en plus en renfort dans nos usines. Leur nombre a flambé de 28 % en l’espace d’un an.
Chez Desjardins, ce type de travailleurs a bondi de 14 %, entre 2021 et 2023, à 1670, notamment pour pourvoir des postes en TI. À la Cage, quelque 154 cuisiniers, chefs et sous-chefs s’activent en cuisine depuis 2021 et on en attend encore un bon 166.
PAS ASSEZ DANS LA CONSTRUCTION
Dans des secteurs cruciaux comme la construction, certains métiers continuent de se faire rares et le manque de bras frappe de plein fouet de nombreux chantiers.
Il y a quatre mois, le ministre du Travail, Jean Boulet, disait en entrevue au Journal vouloir plus de travailleurs étrangers temporaires en construction.
Dans son rapport, l’Institut du Québec (IDQ) constate aussi que le Québec a du chemin à faire pour rattraper son retard avec l’Ontario dans ce secteur névralgique de l’économie.
D’après l’IDQ, ce type de maind’oeuvre est carrément sous-utilisée en construction.
L’an dernier, même si les travailleurs étrangers temporaires formaient 3 % des travailleurs québécois, ils étaient trois fois moins nombreux en construction, ce qui contraste avec l’Ontario, observe l’organisation.
« La reconnaissance de compétences et la structure de l’industrie, composée de plus petits joueurs, font en sorte qu’ils ont plus de difficulté à dénicher des talents internationaux », conclut Emna Braham de l’IDQ.
Plus de 1566 entreprises québécoises ont demandé au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration de les aider dans leur recrutement à l’étranger l’an dernier.