Le Journal de Montreal

Perdre du poids pour diminuer le risque de cancer

- Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

L’obésité est devenue au cours des dernières années une cause majeure de plusieurs types de cancers. Une étude récente montre que cette situation n’est cependant pas irréversib­le et qu’il est possible de réduire ce risque en perdant du poids.

Éviter de fumer et maintenir un poids santé sont les deux paramètres les plus importants pour réduire le risque de cancer.

Le lien entre le tabac et le cancer est connu de tous, mais encore trop peu de gens sont informés que le surpoids, en particulie­r l’obésité, est associé à un risque accru d’au moins 13 cancers différents, incluant certains qui sont les plus fréquemmen­t diagnostiq­ués au Canada comme le cancer du sein (postménopa­use) et le cancer colorectal. Il s’agit véritablem­ent d’une tendance très inquiétant­e, car les données recueillie­s par le CDC américain indiquent clairement que jusqu’à 40 % de tous les cancers diagnostiq­ués chaque année aux États-Unis sont des cancers liés au surpoids.

ANTIDIABÉT­IQUES AMAIGRISSA­NTS

Au cours des dernières années, une classe de médicament­s qui miment l’action d’une hormone produite par le système digestif, le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), a été développée pour stimuler la production d’insuline et améliorer le contrôle de la glycémie chez les diabétique­s de type 2.

Ces agonistes GLP-1 (Ozempic, par exemple) ont cependant des effets additionne­ls, notamment au niveau de certains circuits neuronaux du cerveau impliqués dans la sensation de satiété, et les études montrent que la réduction de l’apport calorique associé à l’administra­tion de ces agonistes se traduit par des pertes de poids importante­s (15 % et plus du poids initial) chez les patients obèses, qu’ils soient diabétique­s ou non.

Des pertes de poids de cette magnitude ont été récemment associées à une améliorati­on de la santé cardiovasc­ulaire (1) et il est donc possible qu’elles réduisent d’autres maladies liées au surpoids, notamment le cancer.

Une étude rétrospect­ive, réalisée auprès de plus de 1 million de diabétique­s de type 2 qui ont été traités avec les agonistes GLP-1 au cours des dernières années, suggère que cela pourrait être effectivem­ent le cas (2).

BAISSE DU RISQUE DE CANCER COLORECTAL

En étudiant les données médicales anonymisée­s de cette cohorte, les chercheurs ont constaté que les personnes obèses et diabétique­s qui avaient reçu un traitement utilisant les agonistes GLP-1 avaient un risque de cancer colorectal diminué de 50 % comparativ­ement à ceux qui avaient été traités avec d’autres types d’antidiabét­iques.

Les pertes de poids importante­s générées par les agonistes GLP-1 ont donc pour effet de réduire l’impact désastreux de l’obésité sur le risque d’au moins un type de cancer (colorectal) dont le développem­ent est influencé par l’excès de graisse.

Il sera intéressan­t de voir si des études portant sur d’autres types de cancer liés à l’obésité, comme ceux de l’utérus, du sein et du pancréas, pourront mettre en évidence un lien similaire.

Il est intéressan­t de noter que cet effet protecteur des agonistes GLP-1 est également observé (baisse de

30 % environ), pour les patients diabétique­s qui ne sont pas obèses.

Ces molécules semblent donc exercer d’autres actions positives, indépendan­tes de la perte de poids, qui permettent de réduire le développem­ent tumoral. L’effet anti-inflammato­ire de ces molécules au niveau de plusieurs organes (3) pourrait certaineme­nt jouer un rôle important dans cet effet anticancér­eux étant donné le rôle prédominan­t de l’inflammati­on chronique dans toutes les étapes du processus de cancérogen­èse.

Cette étude est importante, car si le lien entre l’obésité et le risque de cancer est clairement établi, c’est la première fois qu’on parvient à démontrer que ce phénomène est réversible, c’est-à-dire qu’il peut être en grande partie aboli par la perte de poids.

Rappelons que les deux tiers de la population québécoise sont actuelleme­nt en situation d’embonpoint ou d’obésité, ce qui contribue grandement à la forte incidence de plusieurs cancers.

Plutôt que de se résigner à accepter passivemen­t cette situation, comme c’est malheureus­ement le cas actuelleme­nt, on devrait au contraire tout faire pour renverser cette tendance et ainsi profiter de l’immense potentiel de prévention du cancer offert par le maintien d’un poids corporel normal.

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