« NO PROBLEMO »
Sur sa bécane québécoise, Vincent Nadon a roulé près de 4000 km sur le Vieux Continent
Quatre mille kilomètres à vélo, c’est la distance parcourue par Vincent Nadon l’été dernier depuis la campagne belge, près de Bruxelles, jusqu’à Thessalonique, dans l’est de la Grèce, en bordure de la mer Égée. Une aventure dépassant les limites de l’extraordinaire qui lui a permis de découvrir les coins cachés du Vieux Continent durant deux semaines.
Si certains le font avec un sac à dos en créchant dans les auberges de jeunesse avant de passer à l’âge adulte, le Québécois de 35 ans a décidé de le faire avec sa rutilante bécane québécoise en carbone préparée par le fabricant Panorama Cycles, de Granby. Une entreprise qui confectionne des vélos pour ceux qui préfèrent le gravier, la neige et les sentiers plutôt que les routes parfaites interminables en asphalte.
C’est exactement l’esprit de la Transcontinental Race. Chaque année, les organisateurs choisissent un nouvel itinéraire. En autonomie complète alors qu’ils ne peuvent obtenir d’aide de tierces personnes, les participants sont libres de choisir leur route, mais doivent passer par des points de contrôle obligatoires.
Équipés d’outils de navigation, ils peuvent aussi bien emprunter les routes en gravier, en terre ou en asphalte.
Malgré les nombreuses folles épreuves cyclistes à travers l’Europe, la Transcontinentale reste la plus longue compétition longue distance en autonomie du continent.
CHOCS
Pendant l’édition 2023 en juillet dernier, après avoir transité par la France, la Suisse et l’Italie, Nadon a traversé l’arrière-pays de la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, le Monténégro et l’Albanie. Un véritable cadeau pour explorer des pays qu’il ne connaissait pas.
« J’ai observé des chocs socioéconomiques surprenants », affirme-t-il à propos de son périple qui l’a fait passer de l’Europe occidentale à l’Europe de l’Est.
« J’ai été témoin de toute la pauvreté. En Bosnie et en Albanie, on voit que la valeur de l’argent est totalement différente. »
« Quand tu viens de transiter par la Suisse qui représente la perfection, c’est frappant, indique celui qui l’a observée sur des centaines de kilomètres ponctués de petits bleds. J’ai vu la dégradation du capitalisme vers le communisme. »
Au tournant de 2015, Nadon s’était exilé en Belgique pour faire son doctorat. C’est là que sa vie a changé. D’abord, il y a reçu un diagnostic de la maladie de Crohn. Cette grave maladie inflammatoire de l’intestin l’a forcé à modifier ses habitudes de vie.
Pour mieux gérer son stress et réguler les symptômes de la maladie, il a décidé de faire du vélo. Car lorsqu’il a débarqué en Belgique, il n’était pas un habitué de la discipline.
« J’ai commencé à rouler et à franchir de plus longues distances. J’ai découvert toute l’amplitude du vélo. Quand je suis parti, je roulais souvent plus de 250 km dans mes sorties », relate celui qui est maintenant scientifique en recherche et développement audio.
UN « ENTRAÎNEMENT » CANADIEN
Les courses de type cyclotourisme avaient vraiment piqué sa curiosité. Des amis lui ont donc lancé le défi de la Transcontinental. Nadon l’a toutefois modifié.
« Avant de partir à la découverte des pays d’Europe, il fallait bien que je découvre le mien, dit-il en riant. Donc en 2018, j’ai décidé de traverser le Canada. C’était la première étape. Après, je pouvais faire la Transcontinentale. »
Logique, car plus de 4000 km séparent Montréal de Vancouver à vélo. Un défi « d’entraînement » à la hauteur de ce qui l’attendait de l’autre côté de l’Atlantique. Il s’est donc accordé les connaissances d’un entraîneur, Jacob Dupont.
CHANGEMENT DE CAP À 180
Dans sa quête, sa maladie fut une véritable motivation, car elle l’oblige à rester en forme et à réaliser ses projets avant qu’elle l’en empêche.
Le cycliste s’est donc fixé de grands objectifs pour la Transcontinentale, croyant être en mesure de réaliser le trajet en 10 à 12 jours. Mais cette compétition exige cependant une préparation logistique précise.
Des pépins de navigation dès le premier jour l’ont toutefois considérablement ralenti puisque la configuration du logiciel nec plus ultra qu’il avait sélectionné pour le guider lui a joué de vilains tours en le faisant rouler sur des sentiers plus ardus.
« Bien vite, je me suis aperçu que j’étais davantage dans cette course pour le trip nomade de voir de beaux paysages dans l’aventure, plutôt que de me battre contre un chrono. Je suis passé du mode performance au mode contemplatif. Je voulais toutefois terminer dans les temps. »
« Mon corps n’a pas été ma limite, conclut celui qui a franchi la distance officielle de 3822 km au fil d’arrivée en 13 jours et 14 heures. Ce sont plutôt les impondérables, comme l’organisation et la gestion qu’il faut savoir bien maîtriser. »