Les demandes de reprise de logements ont explosé
Leur nombre a bondi de 150 % au tribunal depuis cinq ans
Le nombre de propriétaires qui se tournent vers le tribunal pour reprendre un logement a explosé de plus de 150 % en seulement cinq ans au Québec. Or, ce ne serait que la pointe de l’iceberg.
« Cette année, c’est la troisième fois que mon propriétaire tente de faire une reprise de logement. D’abord c’était pour lui, ensuite pour sa femme et maintenant pour sa mère. Je n’en peux plus », confie une locataire de l’est de Montréal qui a demandé l’anonymat par crainte de représailles.
Tous les deux ans, cette mère de trois enfants en bas âge reçoit un avis de reprise de logement de son propriétaire qui réside à l’étranger.
« La première fois, il a décidé qu’il ne voulait finalement pas reprendre l’appartement. La deuxième fois, il a envoyé la lettre trop tard, alors la juge [du Tribunal administratif du logement (TAL)] a tranché en ma faveur », explique-t-elle.
Au TAL, le nombre de dossiers ouverts par des propriétaires qui souhaitent reprendre un logement est passé de 1061 en 2018-2019 à 2693 en 2022-2023, soit une augmentation de 151 % en cinq ans.
PAS UNE SURPRISE
Au Comité logement Infologis de l’est de Montréal, ces chiffres ne choquent plus. Grâce à une demande d’accès à l’information, l’organisme a pu voir que sur une petite partie du territoire qu’il couvre, les tentatives de reprise de logement ont triplé en cinq ans.
« Il ne s’agit pas du nombre total de reprises, mais bien seulement d’une fraction », rappelle Jean-Christophe Bureau, responsable des services juridiques aux locataires.
Car pour qu’un dossier soit ouvert, il faut que le locataire refuse la reprise et que le propriétaire fasse des démarches au TAL. Dans de nombreux cas, les locataires ne connaissent pas leurs droits et acceptent de partir.
Et l’augmentation des cas de reprises de logement grimpe dans toute la province, soutient
Martin Blanchard, du Regroupement des comités logement et des associations de locataires du Québec (RCLALQ).
« Cette année encore, c’est parti en feu. Les intervenants passent leur journée entière à recevoir des locataires qui ont eu des avis de reprise », ajoute-t-il, déplorant que cette technique d’éviction soit un grand oublié de la nouvelle loi 31.
DES REPRISES SPÉCULATIVES
Avec un taux d’inoccupation des logements au Québec ayant atteint son plus bas niveau depuis 2003 en s’élevant à 1,3 %, il n’est pas surprenant que les reprises augmentent, estime M. Blanchard.
« Plus le taux d’inoccupation est bas, plus il y a de reprises de logement, ça montre bien que les reprises sont des opérations spéculatives. Lorsqu’il y a peu de logements à louer, la spéculation est beaucoup plus forte et les loyers montent beaucoup plus haut », indique M. Blanchard, après avoir analysé les données de la Société canadienne d’hypothèque et de logement et du TAL.