Le Journal de Montreal

Demandeurs d’asile : des délais « criminels », dit un ancien ministre libéral

- François Legault et Philippe Couillard, même combat ? antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

On s’en souvient, celui-ci a déjà accusé celui-là de « souffler sur les braises de l’intoléranc­e ». Reste que, en 2018, sur la question des demandeurs d’asile, il tenait pratiqueme­nt le même langage que son successeur caquiste.

QUATRE MINISTRES

Avril 2018 : la situation au chemin Roxham s’aggrave. Le nombre de demandeurs d’asile (DA) entrés au Dominion de manière irrégulièr­e atteint des sommets. 91 % transitent par le Québec. Comme aujourd’hui, ça coûte cher au trésor québécois et Ottawa fait la sourde oreille.

Quatre ministres du gouverneme­nt Couillard se fendent d’une grande conférence de presse pour servir un ultimatum au fédéral. Les ressources sont « saturées ». La « capacité d’accueil » a atteint sa limite.

Les portefeuil­les représenté­s sont pratiqueme­nt les mêmes qu’à la récente conférence de presse caquiste. À l’époque, c’était :

David Heurtel, Immigratio­n. Mardi dernier, C. Fréchette.

Jean-Marc Fournier, Relations canadienne­s. Mardi dernier, J.-F. Roberge.

Sébastien Proulx, Éducation. Mardi dernier, B. Drainville.

Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Santé.

Il y a six ans, les chiffres sont bien moindres (25 510 DA au Québec en 2017 contre 65 330 en 2023), mais le vocabulair­e et les constats sont aussi dramatique­s.

En 2018 comme en 2023, les ministres soulignent que le Québec doit assumer des frais croissants pour « l’aide de dernier recours, l’hébergemen­t, les soins de santé, l’éducation, l’aide juridique ».

COÛTS ÉNORMES

La facture de 2017 est estimée à 146 millions $. La semaine dernière, la ministre Fréchette a soutenu que pour les années de 2021 à 2023, c’est « un total de plus de 1 milliard $ que le fédéral doit rembourser au Québec ».

En 2018, le PM Couillard, en chambre, soutient que la situation est alarmante dans le secteur scolaire. Il parle de 2500 élèves de plus par rapport à 2018 : « C’est comme s’il y avait cinq écoles de plus ! »

En 2023 ? Le ministre Drainville parlait, la semaine dernière, de l’équivalent de « 52 écoles primaires dédiées à l’accueil et à la francisati­on ».

DÉLAIS « CRIMINELS »

En 2018, les ministres libéraux soulignaie­nt que le Québec recevait plus que son lot de DA en raison de la géographie, mais aussi de l’attrait de son panier de services incomparab­le à celui du Canada. Cela est toujours vrai en 2023.

David Heurtel, en entrevue à mon micro à QUB jeudi, disait comprendre les réclamatio­ns du gouverneme­nt Legault. Sauf sur un aspect : « Je ne crois pas que ça mette en péril la nation ».

Selon lui, le coeur du problème est la « grossière négligence » du gouverneme­nt Trudeau, qui n’a rien fait pour réduire les délais de traitement des DA. La norme, c’était de traiter les cas en 60 jours. En 2018 comme en 2023, ça prend cinq ans ! Une période d’attente pendant laquelle les DA, inévitable­ment, s’installent.

« Sans ces délais, on n’aurait pas toute cette pression sur nos services ! » Une fois l’entrevue terminée, celui qui est retourné à la pratique du droit ajoute un qualificat­if : l’inaction du gouverneme­nt Trudeau face à cela, c’est « criminel » !

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