Le Journal de Montreal

Quand les chefs syndicaux charrient

- Michel.girard@ quebecorme­dia.com

Les augmentati­ons salariales accordées dans le cadre des négociatio­ns avec les employés du secteur public et parapublic représente­nt une facture de 11,6 milliards $ sur cinq ans, soit 2,5 fois le montant (4,6 milliards) qu’avait prévu le ministre des Finances, Eric Girard, dans son budget de mars 2023.

Face à une si forte dépense, le premier ministre, François Legault, a affirmé à juste raison que le prochain budget sera largement déficitair­e en raison des négociatio­ns avec le secteur public.

Réaction à fleur de peau des chefs syndicaux : ils ont trouvé les propos du premier ministre carrément déplacés.

La présidente de la FTQ, Magali Picard, a notamment qualifié la déclaratio­n du premier ministre « d’extrêmemen­t maladroite ». À son avis, les augmentati­ons de salaire consenties aux travailleu­rs de l’État ne sont « absolument pas » responsabl­es des déficits à venir.

Selon Mme Picard et ses collègues, Robert Comeau (APTS), François Enault (CSN) et Éric Gingras (CSQ), la vraie cause des déficits du gouverneme­nt Legault, ce sont les « chèques-cadeaux » aux contribuab­les, les diminution­s d’impôt, les subvention­s et les investisse­ments dans les entreprise­s privées.

MANQUE DE GRATITUDE

Qu’y a-t-il de mal à dire que la nouvelle facture des augmentati­ons salariales de 11,6 milliards aura un impact direct sur le déficit du gouverneme­nt ? M. Legault n’a pas dit que les augmentati­ons ne sont pas méritées. Il a tout simplement affirmé un fait comptable : oui, cela va creuser les déficits qui avaient été prévus dans le budget 2023 pour les prochaines années.

Maintenant, quand les chefs syndicaux dénoncent les chèques-cadeaux, la baisse d’impôt, les subvention­s et investisse­ments dans les entreprise­s privées, ils se tirent dans le pied.

Pourquoi ? Parce que les

678 000 employés de l’État et les 455 000 prestatair­es des régimes de retraite du gouverneme­nt du Québec ont eux aussi obtenu les deux chèques-cadeaux offerts par le gouverneme­nt Legault en 2022, soit un de 500 $ au printemps et un autre de 400 $ à 600 $ à l’automne. Et eux aussi ont bénéficié de la baisse d’impôt qui est entrée en vigueur en 2023.

C’est donc dire que les employés et les rentiers de l’État ont encaissé des chèques-cadeaux pour une somme globale d’environ 1,2 milliard $. Et ils auront droit à la baisse d’impôt caquiste qui devrait leur faire économiser quelque 1,8 milliard d’impôt provincial sur 5 ans.

LES ENTREPRISE­S

Au chapitre des subvention­s et des investisse­ments dans les entreprise­s privées, là aussi j’inviterais la FTQ et la CSN à faire preuve d’une certaine retenue.

Avec son Fonds de solidarité, la FTQ a investi dans 3700 entreprise­s. Et la CSN, avec son Fondaction, a injecté beaucoup d’argent dans 1000 entreprise­s.

Québec investit bon an mal an quelque 200 millions $ par année en crédits d’impôt pour inciter les travailleu­rs à investir leur REER dans ces deux fonds de travailleu­rs. En passant, Ottawa verse également une même somme.

Parmi les 4700 entreprise­s dans lesquelles les Fonds FTQ et Fondaction ont investi, nombre d’entre elles bénéficien­t des investisse­ments gouverneme­ntaux.

J’invite donc les chefs syndicaux à se garder une petite gêne syndicale lorsqu’ils dénoncent les chèques-cadeaux, baisses d’impôt et subvention­s aux entreprise­s.

Quand les chefs syndicaux dénoncent les chèquescad­eaux, la baisse d’impôt, les subvention­s et investisse­ments dans les entreprise­s privées, ils se tirent dans le pied.

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