Quand les chefs syndicaux charrient
Les augmentations salariales accordées dans le cadre des négociations avec les employés du secteur public et parapublic représentent une facture de 11,6 milliards $ sur cinq ans, soit 2,5 fois le montant (4,6 milliards) qu’avait prévu le ministre des Finances, Eric Girard, dans son budget de mars 2023.
Face à une si forte dépense, le premier ministre, François Legault, a affirmé à juste raison que le prochain budget sera largement déficitaire en raison des négociations avec le secteur public.
Réaction à fleur de peau des chefs syndicaux : ils ont trouvé les propos du premier ministre carrément déplacés.
La présidente de la FTQ, Magali Picard, a notamment qualifié la déclaration du premier ministre « d’extrêmement maladroite ». À son avis, les augmentations de salaire consenties aux travailleurs de l’État ne sont « absolument pas » responsables des déficits à venir.
Selon Mme Picard et ses collègues, Robert Comeau (APTS), François Enault (CSN) et Éric Gingras (CSQ), la vraie cause des déficits du gouvernement Legault, ce sont les « chèques-cadeaux » aux contribuables, les diminutions d’impôt, les subventions et les investissements dans les entreprises privées.
MANQUE DE GRATITUDE
Qu’y a-t-il de mal à dire que la nouvelle facture des augmentations salariales de 11,6 milliards aura un impact direct sur le déficit du gouvernement ? M. Legault n’a pas dit que les augmentations ne sont pas méritées. Il a tout simplement affirmé un fait comptable : oui, cela va creuser les déficits qui avaient été prévus dans le budget 2023 pour les prochaines années.
Maintenant, quand les chefs syndicaux dénoncent les chèques-cadeaux, la baisse d’impôt, les subventions et investissements dans les entreprises privées, ils se tirent dans le pied.
Pourquoi ? Parce que les
678 000 employés de l’État et les 455 000 prestataires des régimes de retraite du gouvernement du Québec ont eux aussi obtenu les deux chèques-cadeaux offerts par le gouvernement Legault en 2022, soit un de 500 $ au printemps et un autre de 400 $ à 600 $ à l’automne. Et eux aussi ont bénéficié de la baisse d’impôt qui est entrée en vigueur en 2023.
C’est donc dire que les employés et les rentiers de l’État ont encaissé des chèques-cadeaux pour une somme globale d’environ 1,2 milliard $. Et ils auront droit à la baisse d’impôt caquiste qui devrait leur faire économiser quelque 1,8 milliard d’impôt provincial sur 5 ans.
LES ENTREPRISES
Au chapitre des subventions et des investissements dans les entreprises privées, là aussi j’inviterais la FTQ et la CSN à faire preuve d’une certaine retenue.
Avec son Fonds de solidarité, la FTQ a investi dans 3700 entreprises. Et la CSN, avec son Fondaction, a injecté beaucoup d’argent dans 1000 entreprises.
Québec investit bon an mal an quelque 200 millions $ par année en crédits d’impôt pour inciter les travailleurs à investir leur REER dans ces deux fonds de travailleurs. En passant, Ottawa verse également une même somme.
Parmi les 4700 entreprises dans lesquelles les Fonds FTQ et Fondaction ont investi, nombre d’entre elles bénéficient des investissements gouvernementaux.
J’invite donc les chefs syndicaux à se garder une petite gêne syndicale lorsqu’ils dénoncent les chèques-cadeaux, baisses d’impôt et subventions aux entreprises.
Quand les chefs syndicaux dénoncent les chèquescadeaux, la baisse d’impôt, les subventions et investissements dans les entreprises privées, ils se tirent dans le pied.