Le Journal de Montreal

Une coach pour les sous-ministres

Près de 40 % des hauts fonctionna­ires ne proviennen­t pas de la fonction publique au provincial

- GENEVIÈVE LAJOIE

Les sous-ministres embauchés sous contrat provenant de l’externe se sont multipliés sous le gouverneme­nt Legault, forcé d’embaucher une coach issue de la fonction publique pour encadrer ces hauts dirigeants.

Tout récemment retraitée et comptant sur une vaste expérience de l’appareil de l’État, Line Drouin agira désormais comme « accompagna­trice » auprès des titulaires d’un emploi supérieur.

Cette ancienne sous-ministre doit « accompagne­r » les hauts fonctionna­ires qui ne sont pas issus du sérail public et les « soutenir dans (leur) familiaris­ation à l’environnem­ent de la haute fonction publique », précise le Conseil exécutif.

C’est qu’il y en a de plus en plus. Depuis dix ans, le recrutemen­t de sous-ministres embauchés sous contrat s’est intensifié.

En 2012-2013, 14 % des sous-ministres en titre provenaien­t de l’externe. Désormais, près de 40 % d’entre eux ne proviennen­t pas de la fonction publique. Chez les sous-ministres associés ou adjoints, la hausse est plus légère. La proportion des contractue­ls est passée de 18 à 19 %.

DES CONTRACTUE­LS À LA SANTÉ

C’est au ministère de la Santé, où les salaires sont mirobolant­s, qu’on retrouve le plus grand nombre de hauts fonctionna­ires provenant de l’externe. Le contrat du grand patron des sous-ministres, Daniel Paré, lui permet de toucher plus de 318 000 $ par an.

Sous sa gouverne, neuf des quatorze sous-ministres adjoints ou associés du ministère de la Santé sont aussi des contractue­ls.

À la Culture, la moitié des dirigeants ne sont pas issus de la fonction publique. Les ministères des Relations internatio­nales et de la Cybersécur­ité ne sont pas en reste. Contractue­l, l’ancien député et ex-président de la CAQ Stéphane Le Bouyonnec chapeaute les gestionnai­res du ministère d’Éric Caire. Il a sous sa direction deux sous-ministres adjoints embauchés à l’externe.

PLUS PERMÉABLES

Le recours accru au privé pour les administra­teurs publics peut être vu comme de la bonne gouvernanc­e puisque cette voie offre une plus grande flexibilit­é à l’embauche, convient Denis Saint-Martin, professeur de Science politique à l’Université de Montréal. Mais il y a des effets pervers. Ces derniers « sont peut-être politiquem­ent un peu plus fragiles » que leurs confrères qui ont une permanence du secteur public, insiste l’universita­ire.

Ainsi, un sous-ministre peut plus aisément tenir tête aux politicien­s quand il n’a pas de crainte de perdre son job. « Imaginez que vous êtes ma ministre et vous me faites une propositio­n pour un projet quelconque, bien comme sous ministre, je peux vous dire que votre idée, c’est de la bouillie pour les chats, ça n’a pas de bon sens.

On a fait les analyses de votre troisième lien à Québec, puis ça n’a aucun sens, aucun bon sens d’un point de vue des coûts-bénéfice. Je vais vous déplaire, mais vous ne pourrez pas me mettre dehors parce que je ne vous ai pas flatté dans le bon sens du poil », illustre Denis Saint-Martin.

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